Ces derniers jours, de nouveaux textes précisent les intentions de Frédérique Vidal (ou plutôt de Bercy) et les modalités de l’approfondissement, souhaité par le gouvernement, de la logique de néolibéralisation de l’université et de la recherche. Sauvons l’Université répertorie bon nombre de ces analyses, et nous vous recommandons vivement de lire le billet La semaine de SLU du 17 au 22 février 2020 !

Pierre Ouzoulias, Sénateur des Hauts-de-Seine, revient sur le rapport Le pilotage et la maîtrise de la masse salariale des universités, rendu par l’inspection générale des finances et l’inspection générale de l’administration de l’éducation nationale et de la recherche, en avril 2019. Selon lui, les instruments juridiques et réglementaires pour casser l’université et la recherche publiques sont déjà en place et tout laisse penser que le projet de budget pour l’année 2021 mettra en place l’étape décisive demandée par Bercy : la non compensation du GVT (glissement vieillissement technicité). Morceaux choisis et commentaire de texte à lire ici.

Le Groupe Jean-Pierre Vernant propose quelques réponses aux questions fréquemment posées sur la loi pluriannuelle pour la recherche. Ce nouveau billet complète très bien dans un billet du 5 janvier 2020 intitulé désenfumage et qui se conclut ainsi :

« Que les réformes structurelles menées depuis quinze ans conduisent à l’effet inverse de celui qu’elles prétendaient obtenir ne les arrêtera pas. L’obsession néolibérale consistant à utiliser les moyens de l’État pour construire un marché international des universitaires, des chercheurs, des établissements et des formations est telle, que la sphère managériale ne perçoit plus la réalité des dégradations qu’elle engendre. Elle persiste, dans une période où le nombre de candidats de qualité par poste explose, à répéter la fiction d’un « défaut d’attractivité » supposément constitué par la fraction limitée de candidats étrangers [9]. Cette séparation de la sphère décisionnaire avec l’expérience concrète des conditions d’exercice de la recherche et de l’enseignement est dramatique : la reprise en main bureaucratique est en train de sacrifier une génération de jeunes chercheurs ainsi que le niveau d’exigence dans la création et la transmission des savoirs. »

Alors, comme l’écrit le Groupe Jean-Pierre Vernant en offrant quelques réponses aux questions fréquemment posées sur la grève : « nous allons leur opposer la grève la plus longue et la plus dure de ces dernières décennies » !

Bien sûr, lorsqu’il s’agit d’expliquer le projet de ce gouvernement pour renforcer les logiques de compétition et de concurrence, aggraver la précarité et sacrifier le service public de l’enseignement et de la recherche aux intérêts privés, on peut toujours compter sur Frédérique Vidal. Dans le cadre des journées sciences humaines et sociales organisées par l’Agence nationale de la recherche les 25 et 26 février, des chercheur·ses et enseignant·ses-chercheur·ses en lutte sont intervenu·es pour interpeller la ministre sur la loi de programmation pluriannuelle de la recherche (LPPR), le financement de la recherche et la politique de l’emploi scientifique. Ses réponses on été pour le moins brutales ! Au moins, le masque est tombé : « les emplois, ce n’est pas mon travail » a-t-elle par exemple déclaré.

Hélas, nous ne nous mobilisons pas uniquement face aux menaces que les intentions du gouvernement représentent pour nos conditions d’étude et de travail, pour notre service public de l’enseignement et de la recherche. Notre situation actuelle et les évolutions de ces dernières années sont dramatiques ! La précarité frappe une part croissante des étudiant·es comme des travailleur·ses de l’université. Les postes de titulaires ne cessent de diminuer, quand les besoin augmentent, notamment pour l’enseignement. Les chiffres que donnent le SNESUP sont sans appel : depuis 2013, le nombre d’enseignant·es-chercheur·ses diminue globalement de 1,4% alors que les effectifs des étudiant·es ont augmenté de 9,4% sur la même période. Pour faire face aux besoins, la précarisation s’est généralisée : le taux d’agent·es non-titulaires des universités est le plus élevé de toute la fonction publique d’État ! Il est de plus de 30% chez les enseignant·es et enseignant·es-chercheur·ses, et de plus de 40% parmi le personnel administratif et technique.
Nous avons besoin d’au moins 6000 créations d’emplois titulaires par an sur les 10 prochaines années.

Alors ? Début 2020, quels sont les postes ouverts ?
La campagne d’emplois synchronisée de recrutement des enseignant·es-chercheur·ses est la procédure principale de recrutement des enseignant·es-chercheur·ses titulaires. Elle s’est achevée hier avec la publication des derniers postes de MCF (maitre·sses de conférence) et de PR (professeur·es des universités).

Graphique réalisé par Julien Gossa

Premier constat : nous sommes très loin des besoins de création de postes !
Grâce au travail de plusieurs collègues, nous savons que l’étiage atteint en 2019 se prolonge en 2020, avec deux particularités :
1- Création de postes supplémentaires fléchés pour combler les besoins de la réforme des études de médecine (avec des postes créés en philosophie/éthique de la santé, sociologie de la santé, épistémologie et histoire des sciences biomédicales) ou pour satisfaire des lubies gouvernementales, avec des postes touchant à « l’intelligence artificielle » en informatique.
2- Disparition quasi-totale de sous-disciplines, voire de disciplines : littérature générale et comparée (3 postes en métropole, dont un sur littérature chinoise, coréenne, japonaise) ; histoire médiévale. Ici, la « création » de certains postes de PR, dont le nombre est supérieur à celui des MCF, indique surtout une promotion interne et la suppression d’un support de maître·sse de conférences.
La très grande faiblesse du nombre de création de postes, pour une population étudiante qui ne cesse d’augmenter, met désormais en danger le renouvellement de la population universitaire, dans certaines disciplines sinon partout. Pour conclure avec Véronique Beaulande, « Comment réussir à convaincre l’opinion publique que le problème n’est pas (seulement, surtout) nos carrières, mais la formation des jeunes générations ? »

Une fois ces analyses prises en compte, un conclusion s’impose : nous avons à agir maintenant pour sauver l’université et la recherche publiques !
Vous le savez, le 5 mars l’université et la recherche s’arrêtent.
En attendant, nous devons préparer la grève et la coordination nationale des facs et labos en lutte des 6 et 7 mars.

Pour plus de données statistiques, vous pouvez consulter les deux documents d’analyse disponibles ci-dessous.


Crédit image : Les belles tapisseries autogérées