Ce mercredi 8 juillet, les Facs et Labos en Lutte se sont rassemblés à Paris, contre la LPPR, contre « Bienvenue en France », contre toutes les attaques que subissent les services publics de l’enseignement supérieur et la recherche. D’autres rassemblements ont eu lieu, notamment à Lyon, à Nice, ou à Montpellier.

Nous sommes là, nous serons toujours là, pour une recherche et une université publiques, ouvertes à tou·tes et émancipatrices !

Toutes les vidéos des interventions de ce rassemblement de lutte et de fête sont à retrouver sur cette page.
Au bas de la page, nous publions quelques photos ainsi que les textes que nous ont fait parvenir des personnes qui souhaitaient être présentes mais n’ont hélas pas pu.
NB : Les vidéos seront publiées progressivement au cours des prochains jours.

Introduction par Marie et Florence, Membres du comité de mobilisation des Facs et Labos en Lutte

Cherine Benzouid, cardiopédiatre à l’hôpital Robert-Debré et membre du collectif inter-hôpitaux

« On n’a pas d’autre choix actuellement que de lutter, et de lutter ensemble, parce que nos luttes s’articulent toutes, parce que notre problème c’est le même, c’est toujours ce même paradigme qui cherche à gérer tout ça, c’est le néolibéralisme qui est là partout, et la privatisation de tout ce qui a fait le fondement de notre nation. »

Interventions de représentant·es des syndicats d’étudiant·es

« On se bat depuis des mois contre la précarité étudiante, et on pourrait même dire la pauvreté étudiante. Parce que le confinement nous l’a bien fait voir : ce n’est plus de précarité qu’il s’agit, c’est de pauvreté, c’est de gens qui ne peuvent pas manger. » Sophie, pour Solidaires Étudiant·es.
« Face à cette LPPR, on voit qu’on a une opposition de plus en plus forte de la communauté universitaire, et un ministère qui choisit de passer en force. » Benjamin, pour l’UNEF.

Interventions de représentant·es des syndicats de travailleur·ses de l’ESR

« Vidal nous prépare aussi, en plus, une belle rentrée. On a déjà les retours des universités : a minima on aura 25% « d’enseignements numériques », mais certaines sont déjà à plus de 50%. Ça nous prépare une belle université pour l’avenir… »
« Ça fait du bien, ça fait du bien d’être là. Aujourd’hui on voulait le voir comme un temps de respiration militante, un temps de camaraderie et une petite pause avant de repartir, pour qu’on prenne le temps de voir tout ce qu’on a fait. »
« Cette LPPR elle est monstrueuse, c’est l’aboutissement d’un projet ultralibéral de privatisation. »
« Nous voulons une autre loi pour la recherche, avec un investissement massif dans la recherche et un plan pluriannuel pour l’emploi scientifique. »

Interventions de Anne Roger (SNESUP FSU), Josiane Tack (SNTRS CGT), Alain Roques (CGT INRA), Cendrine Berger (CGT FERC Sup) et Boris Gralak (SNCS FSU).

La lutte contre « Bienvenue en France » continue !

« Décidons que nous disons ensemble non à cette précarisation de l’enseignement supérieur, non à cette transformation capitaliste de l’enseignement supérieur, non à ce néolibéralisme qui est là pour détruire tous les espoirs que les intellectuel·les français·es et étrangèr·es ont contribué à construire ensemble et à inscrire dans la constitution. Il faut lutter ensemble, pour que demain soit meilleur pour tout le monde. »
« Aujourd’hui c’est une porte ouverte pour la généralisation de la hausse des frais d’inscription. Plus que jamais je pense que la mobilisation est importante et qu’il faut continuer la bataille sur la question des frais d’inscription à l’université. »

Interventions de Juan Prosper, membre du syndicat des avocats de France, et de K.B., membre du collectif étrangèr·s dans l’ESR et du collectif division internationale du travail au sein des Facs et Labos en Lutte.

Rebecca Amsellem, docteure en économie de la culture, fondatrice de la Newsletter les Glorieuses et de Gloria Media

« Il y a un caractère assez toxique dans le milieu de la recherche, et d’autant plus pour les femmes et pour les personnes racisées, parce que c’est un milieu qui a été créé par et pour des hommes blancs. »
« Finalement aujourd’hui ce sont des idées qui ne sont pas légitimées, ce sont des travaux qui ne sont pas produits, et ce sont des travaux dont nous avons besoin nous, dans la lutte féministe, pour faire avancer cette cause. »

Nacira Guénif-Souilamas, sociologue et anthropologue, professeure des universités à Paris VIII – Saint-Denis

« L’enseignement supérieur et la recherche peuvent être considérés comme un bien commun en péril, et ce qu’il nous revient de faire aujourd’hui c’est de penser la puissance d’agir commune qui va être nécessaire pour sauver ce bien commun de sa vente à la découpe. »
« Le dernier épisode de cette démonétisation, c’est d’exiger de nous que nous dématérialisions les enseignements. C’est-à-dire disparaitre de nos enseignements, disparaitre derrière une technique, une technologie, pour laquelle d’ailleurs on va allouer des fonds ! »
« Nos attentes ne sont pas personnelles, mais elles se projettent vers les jeunes générations, vers celles et ceux qui vont nous succéder, pour essayer de corriger, de mettre à bas, toute une série de tensions et de faux-semblants. »
« Cette violence elle n’est pas que policière, vous l’aurez compris, elle est institutionnelle, elle est systémique. Elle est une traduction du racisme d’État, et il y a une manière aujourd’hui d’exercer ce racisme qui s’entend sans aucune limite. »

Fabien Jobard, pour les Revues en Lutte

« Le Covid est venu nous cueillir en pleine mobilisation. Mais que cette crise du Covid n’a-t-elle pas illustré de ce que nous avons dénoncé ? »
« Plus que jamais les revues sont aux côtés de la mobilisation, au cœur de la mobilisation. Défendre le principe de revues scientifiques collégiales, ouvertes, libres, c’est défendre ce qui fait le principe même de la science et de l’activité scientifique. Nous sommes donc appelé·es à nous revoir ! »

Sabine Rubin, députée de la 9ème circonscription de la Seine-Saint-Denis

« Ce processus de précarisation, qui s’inscrit dans le processus de Bologne, c’est sûr qu’il arrive doucement, on ne le voit pas. Mais finalement en voilà la traduction concrète, à travers cette LPPR. »
« Maintenant ça devient visible que cette logique libérale attaque tout. »

Des textes contre la LPPR – Lectures par Samuel Hayat

« Never waste a good crisis, dit un bon mot révélateur qui circule aujourd’hui dans le monde anglo-saxon. Le résultat, c’est que sous prétexte de « darwinisme épistémique », comme l’a dit le Directeur du CNRS, un service public entier est menacé de décomposition. Cela vaut du côté de la continuité, de l’universalité, de l’indépendance, de la compétence des enseignants-chercheurs, et cela vaut du côté des droits démocratiques des étudiants, donc de la population, au savoir, à sa diversité, à sa capacité de faire connaître le monde dans sa totalité. » Étienne Balibar

Samuel Hayat nous lit des textes d’Étienne Balibar, philosophe, d’Étienne Decroly, virologue, et du Laboratoire de Météorologie Dynamique (LMD) qui, tous, expriment un rejet radical de la LPPR et de ses logiques. Ces textes sont disponibles dans leur intégralité au bas de cette page.

Monique Pinçon-Charlot, sociologue, ancienne directrice de recherche au CNRS

« Tout se passe comme si la recherche était, directement ou indirectement, aux mains des puissances d’argent, à travers tous les cadeaux qui sont faits à la recherche privée des grandes entreprises, sans aucun contrôle. »
« On se retrouve aujourd’hui face à un État néolibéral, quasi exclusivement au service des plus riches. »
« La violence, elle est du côté des riches, du côté des capitalistes. »
« Ce que je vous propose là, c’est que nous soyons uni·es, que nous soyons vraiment des combattant·es pour éclaircir notre avenir. »

Photos

Vous trouverez ici quelques photos, notamment prises lors du concert de clôture, avec la fanfare de Paris 8 et Vedat Allak et Frieder Licht en duo (membres du groupe ZaZlooz).

Texte d’Étienne Balibar

« La hâte que met le nouveau gouvernement à reprendre à son compte et à imposer la réforme du financement de l’enseignement supérieur et de la recherche préparée par ses prédécesseurs, comme si ce projet n’avait pas largement fédéré contre lui ceux qui sont censés en bénéficier, et comme s’il ne s’était rien passé en France et dans les Universités depuis six mois, apparaît comme une véritable provocation. Il semble qu’au sommet de l’État on recherche l’épreuve de forces, et qu’on veuille profiter de ce qui est perçu comme un affaiblissement des capacités de résistance de la communauté universitaire pour lui infliger une défaite en rase campagne. En d’autres termes le gouvernement traite les enseignants et les étudiants, non pas comme les partenaires et les citoyens avec qui et pour qui œuvrer dans l’intérêt de la nation, mais comme un ennemi intérieur qu’il s’agit de mater. Une telle stratégie peut se lire à différents niveaux : mise en œuvre accélérée d’un projet de société néolibéral pour qui, de même que Margaret Thatcher disait : « il n’y a pas de société », on pourrait ajouter : « il n’y a pas d’université » ; volonté d’asservissement et d’atomisation d’un service public et de la fonction publique correspondante, perçus comme hostiles à l’esprit d’entreprise et à l’impérialisme du profit ; besoin de prendre immédiatement une revanche d’autoritarisme après que la crise du coronavirus a mis en évidence de graves lacunes dans la capacité de gouverner et de prévoir des équipes au pouvoir.
« Never waste a good crisis », dit un bon mot révélateur qui circule aujourd’hui dans le monde anglo-saxon. Le résultat, c’est que sous prétexte de « darwinisme épistémique », comme l’a dit le Directeur du CNRS, un service public entier est menacé de décomposition. Cela vaut du côté de la continuité, de l’universalité, de l’indépendance, de la compétence des enseignants-chercheurs, et cela vaut du côté des droits démocratiques des étudiants, donc de la population, au savoir, à sa diversité, à sa capacité de faire connaître le monde dans sa totalité.
Nous qui portons ce service et en ressentons la responsabilité, nous sommes donc le dos au mur, et nous n’avons d’autre choix que de nous défendre, et de défendre l’Université avec l’énergie du désespoir. Non pas pour la figer dans le conservatisme, mais pour en proposer les modernisations et le développement qui en réaffirment le sens. En mon nom personnel, celui d’un enseignant retraité du supérieur public, j’ajouterai simplement ceci : l’Université et les corps de recherche qui gravitent autour d’elle nous ont tout donné, malgré les épreuves qu’il y eut parfois à traverser, en termes de conditions intellectuelles et de satisfactions professionnelles.
Nous ne pouvons nous résigner à voir nos jeunes collègues et les étudiants d’aujourd’hui aussi misérablement et indignement traités. Nous sommes à leurs côtés avec tous les moyens d’expression et toute l’énergie dont nous pouvons disposer. »

Texte de Lauren Bastide

« Le féminisme n’est pas qu’un mouvement social et politique. Le féminisme est un champ universitaire. Il n’y a pas de féminisme sans recherche en études de genre, ce mot qui effraie tant la France. Pourtant, si ce mot n’avait pas traversé, ces dernières décennies, les champs de la sociologie, de l’histoire, de l’économie, des sciences politiques, du droit et des lettres, les femmes et les minorités raciales et sexuelles ne sauraient presque rien d’elles-mêmes et de la place à laquelle la société les assigne. 
En tant que journaliste féministe, je ne me suis rien d’autre que la passeuse des idées et savoirs que les chercheuses en études de genre ont formulé. J’ai tout appris de l’université et de la recherche, notamment lorsque j’étais assise, il y a trois ans, sur les bancs des amphis de Paris 8 à découvrir chaque jour d’autres articles, d’autres concepts, d’autres thèses qui ont éclairé ma compréhension des structures de domination par le genre, la race et la classe. Tout ce que je fais et porte vient de là.
Mon travail, aujourd’hui, est de vulgariser et de transmettre les pensées de ces chercheuses pour que d’autres soient éclairées à leur tour et qu’on puisse, ensemble, dénoncer et briser ces mécanismes de domination. Il n’y a pas de progrès sans recherche. Et surtout sans recherche situé d’un point de vue qui ne soit pas le point de vue pseudo universel d’un chercheur homme et blanc. Il a été démontré que la LPPR allait frapper de précarité, principalement, les femmes et les minorités. Rien d’étonnant quand on sait que nous sommes gouvernés par un président qui estime que c’est l’université qui produit les mouvements anti-racistes, et pas le racisme lui-même. Rien d’étonnant quand on sait avec quelles difficultés les postes de recherches en études du genre obtiennent leurs financements, depuis des décennies, dans notre beau pays qui pense qu’il suffit d’écrire l’égalité sur le fronton des mairies pour la voir émerger. 
Je soutiens avec force la lutte des chercheuses contre cette loi qui cherche à libéraliser le plus important des services publics : celui qui diffuse le savoir.
Sans savoir, il n’y a pas d’émancipation.
Sans recherche, il n’y a pas de révolution. »

Texte d’Étienne Decroly

Je suis virologue, directeur de recherches au CNRS, dans le Laboratoire Architecture et fonction des macromolécules biologiques (Marseille). L’activité principale, dans notre équipe, porte sur les mécanismes d’émergence des virus et le développement, en particulier, de systèmes expérimentaux pouvant aider à comprendre leur machinerie de réplication.
Après l’émergence du SRAS en 2003, nous avons eu la chance d’être financés pendant quelques années, de manière relativement significative, sur des projets ANR et européens qui ciblaient le SARS-CoV. Mais petit à petit, l’intérêt pour ce type de recherche s’est étiolé avec la maîtrise complète de l’épidémie et, semble-t-il, l’éradication du virus. Nous avons eu de moins en moins de capacités de financement affectées au sujet, au point que lorsque la Covid-19 a émergé, la plupart des projets sur le coronavirus qui perduraient dans le laboratoire étaient portés par des étudiants ou des personnels du laboratoire qui n’étaient pas financés directement sur ce sujet… Nous avions décidé de ne pas abandonner la thématique et de continuer à y travailler avec nos fonds propres (notamment dans l’équipe de Bruno Canard). Brusquement, en 2020, l’intérêt du financement de la recherche sur le coronavirus s’est avéré et nous avons été amenés à écrire en un temps record un nombre de projets de recherche impressionnant afin de pouvoir financer la recherche sur les coronavirus. Notre activité de recherche se poursuit à plein temps et en continu depuis le début de la pandémie pour l’ensemble des personnels de notre équipe. Nous avons répondu à des appels à projets organisés par l’Inserm, des ANR flash. Il nous a fallu répondre à tous ces appels à projets dans un temps absolument record. Pour vous donner une idée, le projet européen SCORE, dans lequel il y a une grosse quinzaine de partenaires, a été construit en une petite dizaine de jours.
Nous avons engagé de nouveaux personnels en CDD, redéployé l’activité de certains personnels du laboratoire sur les thématiques « coronavirus », pour tenir nos engagements contractuels. Si nous sommes aujourd’hui à peu près assurés du financement de nos activités du laboratoire sur deux ans, nous ne le sommes que pour une partie de nos activités sur cinq ans. Une des difficultés majeures à laquelle nous faisons face, c’est l’absence de financement récurrent. Notre réactivité au SARS-CoV-2 aurait peut-être pu être meilleure si nous avions eu davantage de financements récurrents et de personnels stables : nous aurions pu continuer à travailler sur des projets dont nous avions compris qu’ils pouvaient être stratégiques pour faire face à des émergences de nouveaux coronavirus.
Autre point : au moment où le SARS-CoV-2 a émergé, la plupart des personnels du laboratoire – hors les chercheurs statutaires – étaient financés sur contrat. C’est une des conséquences du désengagement progressif des organismes de recherche, comme l’Inserm et le CNRS, dans le financement des personnels techniques. Dans ces conditions, il est difficile de repositionner, sur une recherche urgente, les personnels – doctorants, techniciens – sur les sujets coronavirus puisqu’ils travaillent sur des contrats de recherche extérieurs pour lesquels il leur faut livrer un certain nombre de résultats contractuellement.
Aujourd’hui les politiques de recherche sont extrêmement versatiles et orientées « solution ». Ce qui les intéresse, c’est d’apporter des réponses à des problèmes qui existent, comme en témoignent les thématiques des appels à projets européens ou ceux de l’ANR. Je crois qu’elles considèrent que les recherches doivent se focaliser davantage sur des pathogènes qui circulent déjà dans les territoires et qui posent des problèmes de santé publique – ici et maintenant – plutôt que de porter sur des aspects de recherche plus fondamentaux.
A notre sens, un enjeu politique majeur est de revenir à des systèmes de financement pérennes des personnels de la recherche, notamment techniques et du fonctionnement des laboratoires. Mon point n’est pas de dire que l’appel à projet est mauvais en soi. Il est de dire que la recherche fondamentale doit perdurer dans notre écosystème de recherche et que les intérêts de la recherche fondamentale ne sont pas nécessairement directement visibles et compatibles avec des recherches sur appels à projets. Les autorités politiques n’ont pas compris ou ne veulent pas comprendre que la recherche est un écosystème, à l’image d’une forêt. Si on veut avoir une recherche appliquée forte en France demain, il est très important qu’on conserve un écosystème dans lequel la recherche fondamentale constitue le terreau des découvertes.
Un dernier point : à budget de recherche constant, des domaines de recherches risquent d’être en concurrence plutôt qu’en complémentarité. Et au sein même de la recherche biomédicale, une partie des fonds qui seront attribués aux recherches sur les coronavirus pourrait ne plus être disponible pour l’étude d’autres pathogènes. Il est important que la recherche publique couvre un ensemble large de thématiques qui, un jour ou l’autre, seront intéressantes pour l’ensemble de la société. Gouverner, c’est prévoir ; et prévoir, c’est avoir suffisamment de recul pour comprendre que, oui, aujourd’hui, il y a une émergence ; mais que si nous mettons tous nos œufs dans le panier de la recherche contre le coronavirus, nous ne serons pas prêts pour la prochaine pandémie et nous allons répéter nos erreurs. Une société moderne doit assumer le fait qu’on cherche dans différentes directions, sans savoir pour autant, au préalable, quelles vont être et d’où vont venir les avancées majeures. »

Une version longue de ce texte a été publié dans VRS – La vie de la recherche scientifique. Elle est disponible en PDF ci-dessous.

Motion du Laboratoire de Météorologie Dynamique

« Nous, personnels du Laboratoire de Météorologie Dynamique (LMD), nous opposons vigoureusement à la Loi de Programmation Pluriannuelle de la Recherche (LPPR) dans sa version actuelle.
La prise de position du LMD est dans la continuité du mouvement massif d’opposition initié l’hiver dernier dans de nombreux laboratoires, universités et sociétés savantes, brutalement interrompu par la période de confinement. Le gouvernement, malgré sa promesse d’interrompre les réformes pendant cette période, a poursuivi l’élaboration de la LPPR et la présentera en conseil des ministres le 8 juillet, mettant la communauté devant le fait accompli. Ce passage en force témoigne de l’empressement du gouvernement à faire passer cette loi très impopulaire dans les rangs des personnels de l’Enseignement Supérieur et de la Recherche (ESR). Cette loi a été faite sans aucune concertation avec les personnels et étudiants, d’une part, et a été désavouée lors de sa présentation au comité technique de l’ESR (CT-MESR) ainsi qu’au Conseil Economique Social et Environnemental (CESE).
La LPPR entérine un peu plus la dérégulation de l’ESR, déjà bien engagée depuis la loi Liberté et Responsabilités des Universités (LRU), en 2009, jusqu’à la loi Orientation Réussite des Etudiants (ORE), adoptée en 2018. Hormis la revalorisation de près de 300 € de la bourse doctorale, à laquelle nous souscrivons pleinement, nous rejetons ce projet qui s’inscrit dans la droite ligne de la politique de libéralisation et de concurrence qui s’est largement répandue dans les services publics pendant cette dernière décennie.
Côté recherche, elle introduit le « Contrat à Durée Indéterminée de Mission », véritable travestissement du CDI en un sous-CDD, dans la mesure où sa durée est inconnue au moment de sa signature, qu’elle ne peut excéder la durée du projet qui finance ce contrat, et que ce contrat permet des « conditions de rupture particulièrement souples » (extrait de l’avis du CESE, Page 19, Alinéa 4). Côté enseignement, elle introduit à bas bruit la logique du « Tenure Track » à l’anglosaxonne, qui retardera encore davantage l’âge de la titularisation des Enseignants-Chercheurs, directement au grade de Professeur. Cet allongement de la période de précarité et ce mode de recrutement signe la disparition programmée des Chargés de Recherche CNRS et des Maître de Conférence des Universités. Qui plus est, le nombre d’emplois envisagés à l’horizon de 10 ans (15000 emplois contractuels pour 5200 emplois permanents) démontre une volonté d’accroître la précarité dans l’ESR, dont déjà 35 % des personnels sont précaires aujourd’hui. Cette loi compromet encore davantage l’avenir de milliers de jeunes technicien(ne)s, administratif(ve)s, ingénieur(e)s, chercheurs et enseignants-chercheurs, dont la titularisation représente la seule politique à même de garantir une recherche attractive et de qualité sur le long terme, de l’avis partagé des personnels et du CESE.
En terme de moyens, la LPPR est largement en-deça des attentes de la communauté, qui souffre d’un manque chronique de personnels et d’une pénurie de financements pérennes. Les 10% annoncés de hausse des crédits de base sont loin de couvrir le retard accumulé en terme de moyens matériels et de recrutements. Très loin aussi de compenser la stagnation du point d’indice subie par les fonctionnaires de l’ESR depuis près d’une quinzaine d’années. La LPPR accroît le pouvoir de l’Agence Nationale pour la Recherche (ANR), une agence gouvernementale dont le « Pilotage de la Recherche » a déjà largement été critiqué par la communauté, notamment pour son manque de transparence et la menace qu’elle fait peser sur la fertilité à long terme de la recherche publique, par l’octroi préférentiel de crédits sur projets en lieu et place de crédits récurrents. Cette recherche sur projet, si elle est un complément nécessaire à la recherche au long cours, ne peut exister sans elle, et ne doit donc pas s’y substituer.
Enfin d’un point de vue plus thématique, en tant que membres d’un laboratoire à la pointe de la recherche sur le changement climatique, nous reprochons l’absence d’ambition environnementale dans le cadre de cette loi et plaidons pour une conduite de la recherche plus consciente de son propre impact environnemental.
Le LMD est un Laboratoire créé il y a plus de 50 ans dont le rayonnement international n’est plus à prouver. Il a fondé sa réputation sur le travail de longue haleine des nombreux personnels et étudiants (doctorant(e)s et stagiaires) qui s’y sont succédé. La recherche qui y est menée, quoique majoritairement « fondamentale », n’en reste pas moins connectée à la société par l’implication forte du laboratoire dans la diffusion des savoirs dans et hors les murs de l’Université. Par cette motion, le LMD exprime donc collectivement son désaccord vis-à-vis de la LPPR, perçue comme une entrave à sa mission de service public, et affiche publiquement sa solidarité vis-à-vis des autres laboratoires de recherche déjà engagés dans la lutte contre la LPPR. »

Nous profitons de cet article pour remercier très chaleureusement la Fanfare Niente : c’est désormais sur un extrait de leur morceau la Burrita que se terminent toutes les vidéos d’Université Ouverte.

4 commentaires sur « Le 8 juillet des Facs et Labos en Lutte ! »

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