Le 1er octobre se disputera un nouveau round dans notre combat contre la hausse des frais d’inscription à l’université pour les étudiant·es extra-communautaires. Nous en synthétisons ici les enjeux.

Dans le recours contre l’arrêté du 19 avril 2019 relatif aux droits d’inscription dans les établissements publics d’enseignement supérieur, le Conseil d’État a décidé de transmettre une question prioritaire de constitutionnalité sur la non-conformité à la Constitution du troisième alinéa de l’article 48 de la loi de finance n° 51-598 du 24 mai 1951.

L’article 48 de la loi de finance n° 51-598 du 24 mai 1951 dispose que :

« Seront fixés par arrêtés du ministre intéressé et du ministre du budget : 

(…) Les taux et modalités de perception des droits d’inscription, de scolarité, d’examen, de concours et de diplôme dans les établissements de l’Etat. (…) »

Quel est le problème que pose cette loi ?
Pourquoi cette question prioritaire de constitutionnalité (QPC) ?

En principe, selon la Constitution, tout enseignement devrait être gratuit

L’objectif principal de l’intervention volontaire devant le Conseil constitutionnel vise à faire constater que les dispositions législatives contestées méconnaissent les principes constitutionnels de gratuité de l’enseignement et d’égal accès à l’instruction en tant qu’elles posent le principe de l’exigibilité des droits d’inscription et de scolarité dans les établissements d’enseignement supérieur de l’État.

Le treizième alinéa du préambule de la Constitution de 1946, intégré au bloc de constitutionnalité pose un principe de gratuité de l’enseignement public à tous les degrés en disposant que :

« La nation garantit l’égal accès de l’enfant et de l’adulte à l’instruction, à la formation professionnelle et à la culture. L’organisation de l’enseignement public gratuit et laïque à tous les degrés est un devoir de l’État ».

Les garanties issues du treizième alinéa ne sont à l’évidence pas réservées à l’enseignement primaire et secondaire, dès lors que d’une part ces dispositions renvoient expressément à « tous les degrés ».

On pourrait ainsi soutenir que ce soit sous l’angle du principe de gratuité ou sous celui de l’égal accès à l’instruction que le treizième alinéa du préambule de la Constitution de 1946 consacre un principe de gratuité de l’enseignement supérieur.

Si on remonte à la loi du 18 mars 1880 relative à la liberté de l’enseignement supérieur l’article 3 disposait que « les inscriptions prises dans les facultés de l’État sont gratuites ».

La notion de gratuité est claire et précise et suppose que la prestation de service d’enseignement dispensée ne peut ainsi faire l’objet d’aucune contrepartie financière de la part des usager·es de ce service public.

Ainsi l’article 48 de la loi de finance n° 51-598 du 24 mai 1951, en autorisant le pouvoir réglementaire à soumettre l’inscription et la scolarité des étudiant·es de l’enseignement supérieur au paiement préalable de frais méconnaitrait le treizième alinéa de la Constitution de 1946

En pratique, il peut y avoir des frais d’inscription, à la condition qu’ils n’empêchent l’accès à l’enseignement pour personne

Cependant cette analyse reste clairement théorique et il est difficilement tenable de postuler le principe de gratuité absolu dans l’enseignement supérieur puisqu’il est contredit au quotidien.

Il faut davantage considérer que les frais d’inscriptions à l’université doivent rester symboliques pour tou·tes. La participation mise à la charge de l’usager·e doit demeurer à un niveau suffisamment bas de façon à pouvoir être supportée par tou·tes, sans générer pour l’usager·e une charge excessive qui reviendrait à la ou le dissuader d’accéder à l’enseignement supérieur.

Dans cette perspective, il sera plus facile d’invoquer un principe dit de « quasi gratuité » de l’enseignement supérieur qui consiste à admettre l’instauration de droits d’inscription et de frais de scolarité dans la limite d’un certain montant, sauf à méconnaître le principe d’égal accès à l’instruction.

La commissaire du gouvernement (ancien dénomination du rapporteur public) Questiaux, à l’occasion dans la décision du 28 février 1972 (CE, Ass., 28 janvier 1972, n° 79200, publié au Lebon), estimait ainsi que le principe d’égal accès à l’enseignement supérieur n’était pas méconnu « dès lors que le montant de ceux-ci resterait très modique, presque symbolique »

Dans leur commentaire de cette décision, Labetoulle et Cabanes indiquaient, eux-aussi, que les notions d’égal accès à l’instruction et de gratuité de l’enseignement public, résultant du préambule de la Constitution de 1946, sont incompatibles avec un « prix de l’enseignement », et admettaient le paiement d’un « ticket modérateur », à condition toutefois qu’il ne remette pas en cause les objectifs et les principes fixés par le constituant (v. MM. LABETOULLE et CABANES, Chronique générale de jurisprudence administrative française, AJDA 1972 p. 90).

Le conseiller d’Etat, Rémy Schwartz, considère pour sa part que le pouvoir réglementaire ne peut accroitre les droits d’inscription de telle façon que le principe constitutionnel de gratuité de l’enseignement supérieur ne serait plus effectif. (R. SCHWARTZ, Education : une confluence de libertés publiques, AJDA 1998, p. 177).

Ainsi, le montant de ces droits ne peut correspondre, ni même s’approcher, du coût de revient du service public, c’est-à-dire qu’il ne peut exister une quelconque équivalence entre le « prix » demandé et le coût du service rendu. Ce montant ne peut pas non plus atteindre un montant qui serait de nature à entraver l’accès à l’instruction, c’est-à-dire qui, tout en étant largement inférieur au coût réel du service, ne permettrait pas l’accès de tous au service public.

En conclusion : les frais d’inscription à l’université ne peuvent ni varier en fonction des personnes concernées, ni être fixés de façon discrétionnaire par le ministère, ou l’université

L’article 48 de la loi de finance n° 51-598 du 24 mai 1958 permet au pouvoir réglementaire de disposer d’une liberté totale pour fixer le montant de ces droits et peut ainsi les accroitre de telle façon que la gratuité de l’enseignement supérieur ne serait plus effective.

Toutefois, dès lors que l’article 34 de la Constitution confie au législateur le soin de déterminer les principes fondamentaux de l’enseignement, il appartient donc à la loi de fixer l’étendue et les modalités de la gratuité de l’enseignement.

S’agissant en particulier des frais d’inscription et des droits de scolarité, l’objectif est que le Conseil constitutionnel affirme que c’est au législateur qu’il appartient, sur la base d’objectifs rationnels pour éviter toute rupture d’égalité de déterminer l’effort susceptible d’être demandé aux usager·es.

La responsabilité de déterminer ce qui peut être regardé comme suffisamment limité pour ne pas restreindre l’accès à l’enseignement supérieur, ne peut pas être assumée par l’exécutif dans le cadre de son pouvoir réglementaire.

Le principe constitutionnel d’égal accès à l’instruction suppose la mise en œuvre d’une politique législative encadrant les frais d’inscription et les droits de scolarité susceptibles d’être mis à la charge des étudiant·es dans le respect du principe constitutionnel d’égal accès à l’instruction.
Il s’agit donc ici de garantir à la fois que le niveau des frais de scolarité est le résultat d’une délibération parlementaire et qu’il doit en permettre à toutes et à tous un égal accès à l’enseignement supérieur.

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