Appeler « Bienvenue en France » un plan de hausse des frais d’inscription pour les étudiant·es étranger·es, quelle idée ! Peut-être celle de Robert Gary-Bobo ? C’est en tout cas l’auteur d’une note du 16 novembre 2016 révélée par les MacronLeaks conseillant à Macron d’augmenter les frais d’inscription, « le nerf de la guerre », et de viser 8 000€ en Licence et 10 000€ en Master… pour tou·tes les étudiant·es. La note précise aussi qu’il ne faut surtout pas annoncer cet objectif, qu’il faut « bannir les mots de concurrence et d’excellence » et les remplacer par « ouverture et diversité ». Et pourquoi pas « Bienvenue en France » ?

Cette note adressée à Thierry Coulhon dévoile crûment la pensée et les arrières pensées de l’auteur. La note distingue « ce qui serait souhaitable » (qui forme la première partie du document) d’une part et d’autre part des éléments stratégiques et communicationnels de la mise en œuvre (deuxième partie de la note).

La première partie n’y va pas avec le dos de la cuillère au risque de faire « hurler les âmes sensibles » : hausse des frais d’inscription (entre 4000 et 8000 euros par an) et développement du crédit (contingent aux revenus, laissé aux « grandes banques commerciales » et profitant des taux d’intérêt historiquement bas). Sans s’embarrasser d’une terminologie fleurie, il s’agit d’amorcer au plus vite « La pompe à finance » (p. 2) en s’assurant que l’argent emprunté par l’étudiant·e pour payer ses frais d’inscription sera directement versé par la banque à l’université !

Selon Gary-Bobo, il faut encore renforcer l’autonomie des universités, avec une « direction centralisée autoritaire » (p.3), resserrée et composée d’extérieurs rémunérés, une renonciation « à l’interventionnisme et à la centralisation » nationale au profit du « laisser-faire » en matière de regroupements, de ressources humaines, de sélection et d’orientation des étudiant·es.

La seconde partie de la note explique les étapes et éléments de langages pour faire avaler la pilule ! Le crédit ? Un nouveau droit pour l’autonomie des jeunes, mettant « tout le monde, ‘fils de bourgeois’ et autres, sur un pied de plus grande égalité. […] Le maître mot ici c’est autonomie, liberté de la jeunesse. Le système investit dans ses jeunes ; il investit dans le capital humain, il croît [sic] en l’avenir. Tous les parents du pays deviennent collectivement ‘actionnaires’ de tous les jeunes et investissent dans leurs projets d’étude et en leur prêtant de l’argent » (p.6). La méthode ? « Y aller doucement mais commencer tout de suite avec les droits d’inscription » (p.6) : 1 000 euros en licence mais des prix plus libres en master (« du genre 10 000 euros ») ; une incitation à un endettement généralisé (« le paiement cash sera découragé par une petite majoration », p.7). Et pourquoi ne pas pousser le vice jusqu’à laisser des formations gratuites selon le « mode ancien » ? Pour Robert Gary-Bobo, cynique, ces licences maintenues « au nom de la ‘défense du service public contre la marchandisation’ » « seront bientôt désertées, sauf par les militants de l’UNEF qui mettent 6 ans à faire une licence. Le point crucial est ici de permettre aux universités d’innover et d’espérer gagner des recettes nouvelles » (p.7). On peut continuer : « Instaurer la sélection mine de rien » en appelant « bachelors » ces licences qui « pourront sélectionner à l’entrée comme [elles] voudront et faire payer des droits (au départ de 1 000 euros) ». Ces bachelors ont effectivement été créés et sont sur le point d’être reconnus par l’État comme décernant le grade de Licence, même quand ils sont délivrés par des écoles. Et en page 8, au cas où le lecteur n’aurait pas compris la leçon, l’auteur précise qu’il « faut bannir du vocabulaire les mots de concurrence et d’excellence, détestés par les syndicats d’enseignants et d’étudiants. Remplacer systématiquement ces mots par ouverture et diversité. […] La sélection ne signifie pas exclusion mais orientation ». Toute ressemblance avec la communication autour de la loi ORE et de Parcoursup ne serait peut-être pas une pure coïncidence…

En dehors de cette note, l’économiste Robert Gary-Bobo, avec son co-auteur Alain Trannoy, a publié plusieurs articles de la plus dure orthodoxie économique sur les frais dans des revues académiques, dont « Faut-il augmenter les frais d’inscription ? » dans la revue française d’économie en 2005. Ils multiplient les tribunes en faveur de la hausse et sont systématiquement auditionnés par les institutions qui se penchent sur la question (à l’assemblée nationale le 19 février 2019 sur Bienvenue en France par exemple, ou par la cour des comptes en 2018).

8 commentaires sur « Robert Gary-Bobo, lanceur d’alerte malgré lui »

  1. Ce cher économiste avait pourtant eu en son temps, le courage de poser des vérités sur la paupérisation des enseignants. Macron le suivra-t-il? On peut rêver…
    Je le cite (interview au journal le Monde du 7/02/2014) : « En 2014, pour que les enseignants retrouvent, sur leur cycle de carrière, les mêmes espérances de gains que leurs aînés, recrutés en 1981, il faudrait revaloriser les salaires d’au moins 40 %. Aussi incroyable que cela puisse paraître, ces faits montrent que les syndicats ont été incapables de protéger le pouvoir d’achat des professeurs, au moins depuis la première élection de François Mitterrand. »
    https://www.lemonde.fr/enseignement-superieur/article/2014/02/07/a-t-on-les-enseignants-qu-il-nous-faut_4362294_1473692.html?fbclid=IwAR1A-HCyb1S_Q0QiOLkaxEfcvCnKAw_I1O0mGBBmreOsABsS5eP1pGKy2HE

    J’aime

Laisser un commentaire

Ce site utilise Akismet pour réduire les indésirables. En savoir plus sur la façon dont les données de vos commentaires sont traitées.