Tribune d’Hugo Harari-Kermadec et David Flacher, parue dans Le Monde le 25 janvier.

Dans un discours du 13 janvier [en clôture du congrès de France Universités], Emmanuel Macron a présenté une nouvelle série de réformes pour l’enseignement supérieur, dont une possible hausse des frais d’inscription. Le Conseil constitutionnel a pourtant rappelé dans une décision, le 11 octobre 2019, que le principe de gratuité de l’éducation s’applique en France de la maternelle à l’université.

Les détails du projet d’Emmanuel Macron pour « donner un prix » à l’université sont connus. Une note issue de sa première campagne présidentielle, rédigée par l’économiste Robert Gary-Bobo, rendue publique par les MacronLeaks et reconnue par l’auteur, propose une série de transformations qui ont largement été mises sur les rails au cours du premier mandat.

« Comment faire passer la pilule de la hausse des droits d’inscription ? Commencer bien sûr par le crédit […] l’objectif affiché est de développer l’autonomie des jeunes. ». L’endettement constitue une pierre angulaire pour permettre l’accès à l’enseignement supérieur. De ce point de vue, la précarité étudiante en devient presque une aubaine : pour y faire face, on proposera des prêts à taux subventionné en complément des bourses (et, à terme, à la place des bourses) qui pourront opportunément couvrir des frais d’inscription en hausse.

Datée du 16 novembre 2016, cette note prévoit tous les détails : quel montant ? Le niveau des frais devrait s’établir « entre 4 000 et 8 000 euros par an et par étudiant » voire 20 000 euros en grandes écoles. Comment convaincre les banques de prêter aux jeunes ? Il suffit que « l’État, les services fiscaux, acceptent de sécuriser ces crédits d’une certaine manière (au besoin en reprenant les crédits à problèmes) ». Au secteur financier les profits, à l’État les risques et les coûts. Et aux jeunes diplômé·es le joug du remboursement, assurant leur docilité sur le marché du travail. Employabilité garantie !

C’est un modèle en vigueur en Australie et en Angleterre, initialement expérimenté dans le Chili de Pinochet et de ses Chicago boys. Alors que les frais d’inscription au Chili sont les plus élevés du monde, l’accès à l’université est plus large qu’en France. Les jeunes (et leur famille) en sortent surendetté·es et ce système contribue aux terribles inégalités du Chili. Selon le témoignage d’une étudiante dans l’excellent documentaire Etudiants : l’avenir à crédit, « on entre pauvre à l’université, on en ressort bien plus pauvre encore ». Au Chili, c’est la situation étudiante qui est à l’origine d’une puissante contestation depuis 2011. Le nouveau, et jeune, président Boric est d’ailleurs directement issu de ce mouvement étudiant. Plus généralement, les systèmes universitaires reposant sur les frais d’inscription ont démontré les dégâts qu’ils pouvaient produire de par le monde. Ils sont largement contestés et commencent à être remis en cause. Or, c’est au moment même où ces échecs deviennent les plus patents, qu’Emmanuel Macron propose de reproduire les mêmes errements !

Comme le montrent les pays du Nord de l’Europe, un enseignement supérieur bien (et intégralement) financé par l’Etat, accompagné d’une allocation d’autonomie substantielle, est un enseignement plus efficace, moins coûteux et plus conforme à l’accomplissement de ses missions.

En 2017, le candidat Macron avait arbitré pour limiter la hausse des frais d’inscription aux seuls étudiants extra-européens : le plan bien mal nommé « Bienvenue en France » établit depuis 2019 les frais d’inscription de ces étudiants à 2770 € en Licence et 3770 € en Master, malgré la forte hostilité de la communauté universitaire. Pour la campagne 2022, manifestement plus à droite, la perspective d’une mobilisation étudiante ne semble pas suffisante pour renoncer à la financiarisation de l’Université. Mauvais calcul ?

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