Après l’adoption de la LPPR à l’Assemblée en première lecture, le texte arrive au Sénat, dans un contexte maqué par une rentrée 2020 se fait dans des conditions particulièrement difficiles, pour les étudiant·es comme pour les enseignant·es, enseignant·es-chercheur·ses et l’ensemble des travailleur·ses de l’ESR.

Notre prochain grand rendez-vous national de lutte est fixé au mardi 13 octobre, pour défendre le service public de l’enseignement supérieur et de la recherche.

Profitez-en pour interpeller votre sénateur·trices sur la LPR !
Voici une action qui permettra peut-être de donner un peu de poids à la démarche.  Il s’agit simplement de les interpeller par mail, mais en leur écrivant tou·tes le même jour, de façon à donner un peu plus de visibilité à cette action, en occupant leur boîte mail. La date du 13 octobre s’impose puisque nous accompagnerons ainsi la manif « en présentiel » et que c’est la veille du début de la rédaction du texte de la commission sénatoriale sur le projet de loi.

Pour résumer, voici la procédure à suivre :

1) Le 13 octobre, je me connecte sur ma boîte mail (autant que possible une adresse institutionnelle).

2) Je copie-colle le mail ci-dessous, le modifie à ma guise et en tout cas, j’adapte selon ma situation en indiquant : le lieu ou se trouve ma fac ou mon labo ; les renseignements personnels de la 1ère phase sur mon activité ; ma signature institutionnelle

3) La liste des destinataires est l’ensemble des sénatrices et sénateurs, dont les adresses électroniques sont disponibles ci-dessous.

Il est toujours possible ensuite de contacter « son » ou « sa » sénateur·trice, mais mardi ce doit être massif pour éveiller les consciences. 

4) J’envoie le 13 octobre.

5) Je file en manif !

Merci de faire circuler dans vos réseaux et listes, en espérant que tous les personnels, les disciplines, etc concernés, soient représentés.

VILLE, 13 octobre 2020

            Madame la Sénatrice,

            Monsieur le Sénateur,

            Je suis ACTIVITÉ et je me permets de vous solliciter car vous vous apprêtez à examiner une loi décisive pour l’avenir de notre pays. Il vous faut en effet vous pencher sur la Loi de Programmation de la Recherche, projet qui réforme en profondeur le monde de l’enseignement supérieur et de la recherche (ESR).

            Fervent-e défenseur d’un service public dont la France peut s’enorgueillir, je tiens à vous faire part de ma profonde préoccupation et de ma colère : ma profonde préoccupation sur le fond de la réforme, ma colère sur la forme de son adoption (et notamment ce passage en procédure accélérée qui limite le débat démocratique). De l’avis de tous les acteurs de l’ESR, cette loi est au mieux insuffisante, au pire délétère. Elle viendra accabler un secteur déjà meurtri par des années de réforme et les restrictions budgétaires.  Ainsi une très forte mobilisation a commencé dès mars dernier. Elle s’est poursuivie par l’adoption  de centaines de motions et de tribunes en Assemblée Générale d’unités de recherche, des instances du Comité national du CNRS, de sociétés savantes, de 814 directeur/trices de laboratoire prêts à démissionner de leurs responsabilités administratives ou des Commissions nationales disciplinaires (CP CNU), ou par le Comité d’éthique du CNRS. Les manques et dangers de ce projet de loi ont aussi été reconnus par des instances extérieures à l’ESR comme le Conseil d’Etat, dont l’avis est très réservé, ou son rejet à l’unanimité du CESE  – organisations patronales incluses -, par le Haut Conseil à l’égalité par exemple. Cependant le gouvernement ne doute pas face à cette quasi-unanimité, et souhaite imposer avec 48 votes à l’assemblée, une loi qui est aux antipodes des besoins exprimés par la communauté et mis en lumière par la crise de la covid-19.

            Car ce projet est une fausse promesse. Les 25 milliards alloués sur dix ans ne seront débloqués que progressivement avec un effort financier qui ne débutera réellement qu’en 2023, soit lors d’une prochaine mandature. Le Conseil d’État, dans son avis sur le projet de loi, souligne lui-même la longueur de cette programmation financière et de ce fait l’illusion qu’elle peut représenter.  Mais l’illusion ne se limite pas à l’engagement financier proposé, elle concerne aussi sa répartition. Cet argent  soutiendra avant tout le financement de la recherche par projet plutôt qu’une augmentation des crédits récurrents attribués aux laboratoires et équipes de recherche. Peut-être plus alarmant encore, le projet de loi ne prévoit pas non plus la création de postes pérennes de personnels administratifs, techniques, enseignants-chercheurs et chercheurs, fermant ainsi l’horizon à des milliers de doctorant-e-s, post-doctorant-e-s, contractuels, qui travaillent pourtant à relever les défis sociaux, écologiques et politiques que vous et vos mandant·es attendent de la recherche publique. Comment ainsi former celles et ceux qui doivent nous succéder et les encourager? La création de nouveaux contrats précaires avec les « CDI de mission » (qui sont en réalité des CDD de chantier) ou encore les chaires de professeur junior, vont également dans ce sens. La précarité, qui mine déjà nos établissements, ne fera ainsi que s’amplifier mettant fin à un système reposant sur le statut de fonctionnaire et qui a permis à la recherche française de se hisser au meilleur niveau, en dépit d’un objectif de 1% du PIB dédié à la recherche publique promis mais jamais atteint. Cette déconstruction de notre système a interpellé certains députés présents lors du vote à l’Assemblée, et des Républicains à la France insoumise, des voix l’ont dénoncée.

            Madame la Sénatrice, Monsieur le Sénateur, je souhaite enfin attirer particulièrement votre attention sur les effets pernicieux que cette loi aurait sur les territoires, que vous représentez. La loi prévoit en effet un renforcement du financement de la recherche par projets dont on a pu observer l’effet d’accumulation dans de grands établissements, notamment parisiens. La politique de sites, qui sous-tend la philosophie de ce projet de loi, entraîne la mise en concurrence des établissements les uns contre les autres (au lieu de favoriser de fructueuses synergies), et se fera, selon toute probabilité, aux dépens des établissements universitaires de villes moyennes, notamment pour les activités de recherche. Il semble pourtant indispensable de renforcer l’ancrage de ces activités dans les territoires, afin là encore de répondre aux défis qui se posent à notre société.  Or, c’est le choix inverse que fait cette proposition de loi, qui va à l’encontre de l’esprit d’aménagement du territoire de ces dernières décennies, comme l’ont démontré plusieurs collègues géographes dans un article récent repris par la presse spécialisée de nos édiles (Cf. Courrier des Maires, 7 octobre 2020).  

            Ce courrier est sans doute déjà trop long mais il y aurait encore beaucoup à dire. Je reste à votre disposition pour m’entretenir avec vous, ou vous fournir les nombreux documents et contre-propositions qui ont été formulées par les acteurs de l’ESR, propositions muries par des années de vie dans ce secteur-clé de notre société.

            Je vous demande donc très solennellement de ne pas voter cette loi et d’engager une discussion sur sa refonte en profondeur, refonte qui sera permise par votre vote et par l’examen en commission mixte paritaire. Ne manquez pas ce rendez-vous essentiel pour nous toutes et tous, pour les territoires, pour les Françaises et les Français d’aujourd’hui et de demain, et pour l’avenir de la recherche et de l’enseignement supérieur.

            Je vous prie de croire, Madame la Sénatrice, Monsieur le Sénateur, à l’expression de mon très sincère respect.

SIGNATURE

Illustration : Photographie prise par Jeanne Menjoulet CC BY-ND 2.0

3 commentaires sur « Réveillons nos sénateur·trices ! »

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