L’hiver dernier, nous combattions sur un même front la contre-réforme des retraites et la LPPR.

Depuis le mois de février 2020, nous sommes intrigué·es par la possibilité d’un financement de la LPPR avec l’argent « économisé » par les baisses de cotisations employeurs des travailleur·ses de l’enseignement supérieur et de la recherche, prévues par le projet de contre-réforme des retraites. D’abord évoquée par le Groupe Jean-Pierre Vernant en février dernier, cette possibilité est revenue sur le devant de la scène lors de l’examen parlementaire de la LPPR – rebaptisée depuis « loi de programmation de la recherche pour les années 2021 à 2030 et portant diverses dispositions relatives à la recherche et à l’enseignement supérieur » à la demande du Conseil d’État.

Le raisonnement ne peut reposer sur l’instant que sur des hypothèses, toutefois assez bien étayées. La première incertitude porte sur la mise en œuvre effective du plan de financement prévu par la LPPR – très loin des besoins actuels de l’enseignement supérieur et de la recherche. Ce plan n’engage en réalité personne : c’est le prochain gouvernement qui décidera s’il augmente le budget de la recherche comme le prévoit la LPPR, ou non. La deuxième incertitude porte sur l’adoption de la contre-réforme des retraites, pour l’instant suspendue, sans toutefois que l’exécutif semble y avoir renoncé définitivement.

Alors ? Comment fonctionnerait ce tour de passe-passe ? Il faut d’abord rappeler qu’aucun élément n’a été donné sur le mode de financement du supposé effort budgétaire de la LPPR : ni baisse de dépenses sur d’autres lignes, ni hausse d’impôts.

Nous nous tournons donc vers les sommes dégagées par la contre-réforme des retraites. Celle-ci prévoit d’intégrer la fonction publique au régime général des retraites. Or, les cotisations employeurs sont beaucoup plus basses dans le régime général qu’elles ne le sont actuellement dans la fonction publique : elles passeraient de 74,3% à 16,9%. Ainsi, l’État réduirait sa dépense pour le compte d’affectation spéciale pensions (CAS pensions), qui assure l’équilibre des caisses de retraite des travailleur·ses de l’enseignement supérieur et de la recherche, de près 6 milliards d’euros par an à terme. Sur la période la période 2021-2030 couverte par la LPPR, cette contre-réforme amputerait notre salaire socialisé de 21,8 milliards d’euros, d’après les calculs du Groupe Jean-Pierre Vernant.

Il est frappant de constater que l’augmentation de l’effort financier prévu par la LPPR coïncide avec le rythme de mise en place de la contre-réforme des retraites.

Si ce mécanisme était avéré, il participerait à l’accroissement des inégalités entre les universités : tou·tes leurs travailleur·ses seront également privé·es de ce salaire socialisé, mais tou·tes les universités ne bénéficieront pas équitablement des financements prévus par la LPPR, dont les modalités de distribution sont profondément inégalitaires.

Julien Gossa détaille cette analyse, en se concentrant notamment le cas de l’université de Strasbourg, dans son article « LPPR : bonneteau à l’Assemblée » .

Illustration : détail d’une photographie de Baptiste Dupin.

Un commentaire sur « La recherche financée par les retraites de celles et ceux qui la font ? »

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