Vendredi 12 juin, place de la Sorbonne, plus de 400 personnes, BIAT·O·SS, enseignant·es-chercheur·ses, chercheur·ses, étudiant·es, se sont réunies à l’appel du comité de mobilisation nationale des Facs et Labos en Lutte et des organisations syndicales, pour exprimer, une fois de plus, leur opposition au projet de loi LPPR, que le gouvernement tente de passer en force. Accélérer le processus d’adoption de la loi, après trois mois de crise sanitaire et sociale, et seulement trois semaines après avoir déconfiné le pays, relève du scandale et du mépris, pour le dialogue social, pour les étudiant·es en première ligne et pour les travailleur·ses de l’enseignement supérieur et de la recherche.
Mme Vidal, vous nous trouverez à chaque étape de votre loi inégalitaire sur votre chemin !
Car nous sommes plus déterminé·es que jamais !
Liste des organisations syndicales présentes : CGT-INRAE, SNTRS-CGT, CGT- FERCSup, FO ESR, SUD Recherche-EPST, SUD Education, SNESUP-FSU, SNEP-FSU, SNCS-FSU, SNASUB-FSU, Solidaires Etudiant-e-s et UNEF.
Prise de parole du comité de mobilisation des Facs et Labos en Lutte
C’était il y a trois mois, le 5 mars, que l’université et la recherche se sont arrêtées et que nous sommes descendu·es par milliers dans la rue pour dénoncer la précarité étudiante, la contre-réforme des retraites et le projet de loi LPPR. Trois mois depuis la deuxième coordination nationale des Facs et Labos en Lutte, où 500 personnes, représentant les AG des universités et des laboratoires de toute la France, ont fait émerger des revendications claires.
– Celles d’un plan d’urgence pour l’université et la recherche avec des titularisations et des recrutements massifs, à la hauteur des besoins ;
– des financements pérennes pour assurer à tou·tes de bonnes conditions de travail, d’étude et de vie ;
– des garanties sur la sécurité juridique des étudiant·es étrangèr·es et une opposition à la hausse de leurs frais d’inscription.
Nous ne serions pas réuni·es aujourd’hui, sur cette place de la Sorbonne, sans le courage de ceux et celles qui ont bravé les interdictions du gouvernement pour honorer la mémoire de George Floyd et dénoncer les violences racistes policières aux États-Unis et en France. Le président de la république, plutôt que de dénoncer le racisme systémique dans notre pays, accuse le monde universitaire d’avoir, je le cite, « encourager l’ethnicisation de la question sociale ». Monsieur le Président, votre critique nous honore. Nous sommes fièr·es d’avoir fait notre métier et d’avoir analysé les ressorts des discriminations et des inégalités en France et nous continuerons à le faire. Nous serons également dans la rue demain, Place de la République, pour demander Vérité et Justice pour Adama Traoré et pour toutes les victimes de violences policières.
C’est pour les étudiant·es et les générations à venir que les coordinations Facs et Labos en Lutte se battent, pour une université démocratique, gratuite, antisexiste, antiraciste, émancipatrice et ouverte à toutes et tous.
Depuis le 16 mars, nos universités et nos laboratoires ont été fermés. Notre mouvement a été confiné alors qu’il était en plein envol mais il n’a pas été stoppé. Malgré la pandémie, nous avons continué à nous mobiliser. La crise sanitaire a fait exploser les inégalités et la précarité, qui étaient les axes principaux de nos luttes. Nationalement et localement, nous avons continué, tant bien que mal, à nous battre en essayant de répondre dans l’urgence, aux problèmes que le confinement a posé : en première ligne aux situations de détresse liée à la précarité des étudiant·es, des doctorant·es et des précaires de l’enseignement supérieur et de la recherche, encore aggravées pour les étrangèr·es.
Il y a une dizaine de jours, nous pensions que notre lutte pour les mois à venir porterait sur cette hypothétique rentrée « en distanciel », comme ils disent, qui s’organise sous les ordres du ministère. Alors que le pays se déconfine, seules les universités restent fermées ! On peut aller au Puy du Fou, prendre le métro, faire les soldes, aller bosser à l’usine, mais par contre les étudiant·es ne pourront pas suivre de cours à la fac à la rentrée ? Il n’y a aucun doute que le gouvernement se saisit de la crise pour imposer à marche forcée l’enseignement à distance, sans aucune réflexion sur sa dimension anti-pédagogique et socialement discriminante. Les enseignantes ne sont pas des écrans, les étudiant·es ne sont pas des réceptacles. Dans les universités et dans les laboratoires, on travaille, on se rencontre, on s’aime, on s’entraide et surtout on pense et ont produit du bien commun. Mais depuis quelques jours, le ministère a choisi d’accélérer son calendrier sur la LPPR, Et ceci alors que notre président a dit qu’il tirerait les leçons de cette pandémie. Où sont ces leçons quand après ces mois traumatisants, et seulement trois semaines après avoir déconfiné le pays, le gouvernement relance cette machine à précariser et à marchandiser ? C’est donc vraiment ça leur projet ? Précariser encore d’avantage les milliers de docteur·es qui attendent d’être titularisé·es ? Finir de détruire des formations universitaires, sous-encadrées et surchargées ? Gaspiller l’énergie des travailleur·ses de la recherche et perdre des millions d’euros dans l’élaboration de projets qui ne seront jamais financés ? Vendre la recherche au intérêts privés alors que cette crise nous a montré, plus que jamais, l’importance d’une recherche indépendante soutenue par des financements pérennes, faute de quoi le risque de résultats erronés s’accentue, et c’est l’ensemble de la société qui en pâtit.
Mais quelle conception a ce gouvernement de la démocratie ? Il brutalise le dialogue social avec les organisations syndicales en méprisant ceux et celles qui alertent depuis des mois et des mois, sur les dangers de cette réforme. Et pour nous faire avaler ça, on nous annonce une augmentation du budget de 0,4% pour cette année. Soyons un peu sérieux et sérieuses après la période que nous venons de vivre.
Avec la LPPR qui revient, c’est aussi le retour de la contre-réforme des retraites qui se profile. Ce soi-disant régime universel de retraite qui prévoit que les dépenses sur nos retraites soient plafonnées à seulement 14% du PIB alors même que la France va entrer dans une récession inédite et que justement le PIB va drastiquement baisser. Le 16 juin, les soignantes et soignants se mobilisent pour dénoncer le manque de moyens dans l’hôpital public et la santé et nous serons à leurs côtés dans la rue, car c’est bien la politique de casse des services publics qui a aggravé la violence de cette crise sanitaire et sociale.
Le courage des travailleuses et des travailleurs qui ont risqué leur vie pour l’ensemble de la société, nos colères et même nos deuils, ont renforcé nos convictions.
Alors Mme Vidal, la LPPR est de retour ? Et bien nous aussi ! Sachez qu’à chaque étape de la loi, vous nous trouverez sur votre chemin car nous ne sommes jamais parti·es ! Même confiné-es, on se préparait. Et nous sommes plus déterminé·es que jamais !
Illustration en une : Nicolas Portnoi