Confronté à une crise sanitaire sans précédent, résultat de décennies de démantèlement de l’hôpital public et de la recherche, le gouvernement a décidé de frapper fort. Certes, il n’est pas question de récupérer l’argent offert aux grandes entreprises sous forme de Crédit Impôt Recherche (6,5 milliards par an), de créer des postes titulaires ou d’augmenter le financement pérenne des laboratoires. S’appuyant sur l’exemple de l’opération Pièces jaunes du CNRS lancée le 27 mars et sur une expérimentation de taille limitée conduite à Strasbourg, le ministère de l’enseignement supérieur, de la recherche et de la compétition lance un nouveau jeu de grattage pour financer les équipes de recherche : l’Academia Cash Absolute Banco (ACAB) !
Le principe, inspiré des fameux Millionnaire, Banco ou Black Jack, est simple : les laboratoires pourront désormais affecter une partie de leurs crédits à l’achat de ces tickets à gratter. Le ministère a d’ores et déjà prévu l’affectation de 10 euros par laboratoire pour embaucher des vacataires qui seront chargé·es de gratter les tickets. Les bénéfices de l’opération seront consacrés d’une part à reverser des primes aux responsables du programme ACAB, et d’autre part à abonder un fond de partenariat public-privé entre le ministère et la Française des Jeux (désormais privatisée) pour développer la marque ACAB.
Il se dit en effet dans les couloirs du ministère qu’une nouvelle procédure de recrutement est en préparation : mieux que les tenure-track, les auditions seraient remplacées par un jeu grandeur nature télévisé inspiré de Battle Royale – ce film où des étudiant·es sont lâché·es sur une île, où un·e seul·e pourra survivre. Ce jeu, provisoirement intitulé Coronacademia, a été proposé par le PDG du CNRS, le darwinien Antoine Petit, visiblement très inspiré par cette épidémie de coronavirus qui fauche les plus faibles.
L’engouement pour ACAB est déjà palpable parmi les chercheur·ses, comme en témoignent les multiples inscriptions « ACAB » sur les murs des universités. Un succès pour le refinancement à venir de la recherche !
Comme le dit le responsable d’ACAB avec enthousiasme : « jouer avec les crédits de la recherche publique, c’est jouer avec vos vies ! »
