Le gouvernement a publié l’arrêté officialisant la hausse des frais d’inscription pour les étudiant·es étranger·es le dimanche 19 avril, date de fin de semestre dans la plupart des universités. Deux décrets ont également été publiés au même moment : le premier porte sur les modalités d’exonération de ces frais, le second sur « la délivrance des diplômes nationaux en cas d’étalement du versement du montant des droits d’inscription »…

Arrêté du 19 avril 2019 relatif aux droits d’inscription

Le texte de l’arrêté était connu de longue date, nous vous en avons proposé une analyse le 8 mars. Rappelons les points principaux :

  • Augmentation exponentielle pour les étranger∙es, à 2770€ en licence et 3770€ en master. Les Français∙es et les Européen∙nes sont pour l’instant épargnés, de même que tou·tes les étudiant·es en classes préparatoires et en doctorat.
  • Les étranger∙es hors Union Européenne paieront, sauf s’ils et elles déclarent leurs revenus à l’administration fiscale française depuis au moins deux ans et demi.
  • Les étranger·es déjà étudiant·es en France en 2019 ne sont pas concerné·es « jusqu’à la fin de leurs études effectuées sans discontinuité ». Un terme assez flou : en cas de changement de discipline ou d’établissement ou de césure, les frais pourraient exploser.

Décret n° 2019-344 relatif aux modalités d’exonération des droits d’inscription des étudiants étrangers 

Chaque université peut fixer des critères généraux d’exonération, suivant sa politique académique. On peut s’attendre à ce que exonérer tous les étranger·es ne soit pas considéré comme une politique académique dans quelques années…

Le ministère a d’ailleurs envoyé une lettre le 15 avril à toutes les universités pour les aider à définir les critères d’exonération, et leur laissant un délai d’un an pour le faire : c’est pour la rentrée 2020 qu’il faudra avoir une vraie politique académique d’exonération, visant par exemple les pays les plus pauvres ou ceux qui ont des liens historiques avec l’université ou une discipline en particulier.

Les exonérations portent au maximum sur 10% des étudiant·es concerné·es par le paiement de frais. Ça veut dire qu’un boursier français sur critères sociaux ne compte pas dans le total, ni une étudiante étrangère boursière du gouvernement français sur une bourse donnée par le ministère des affaires étrangères. Ne compte pas non plus les étudiant·es inscrit·es dans le cadre d’un accord (qui peut être encore beaucoup plus cher, par exemple si c’est un accord avec une université anglo-saxonne). Les cours à distance peuvent aussi donner droit à des exonérations supplémentaires.

Le nombre d’exonérations est donc réduit par ces exceptions: dans une université de 30 000 étudiant·es, si on a 10 000 boursier·es, alors on ne peut exonérer que 10% des non-boursier·es, c’est-à-dire 10% de 30 000-10 000=20 000 étudiant·es, soit 2 000 exonérations. Dans une université très populaire, avec beaucoup de boursiers, le nombre d’exonérations possibles est très réduit ! Les universités des beaux quartiers pourront plus facilement exonérer, d’autant que leur situation financière est souvent meilleure.

Chaque étudiant·e exonéré·e compte pour un : si on exonère une étudiante française, par exemple parce que c’est une ancienne salariée au chômage, elle n’est exonérée que de 170€ (frais d’inscription en Licence pour les français·es et européen·nes) mais le nombre d’exonérations restantes baisse de 1, autant que si on avait exonéré un chilien des 2 770€ qui lui correspondent.

Au final, le seuil de 10% d’étudiant·es exonéré·es parmi les non-boursier·es sera très vite atteint dans la plupart des universités. C’est ce qu’avait conclu la mission de « concertation » visant l’acceptabilité de la hausse des frais d’inscription lancée par la ministre Vidal (on y trouve les données université par université) : dès 2020 les universités ne pourront pas exonérer tou·tes les étranger·es. C’est qu’en France presque la moitié des étudiant·es sont boursier·es, ce qui fait tomber le plafond à 5% du nombre d’étudiant·es total, alors que les étranger·es forment environ 12% de ce total…

Décret n° 2019-345 du 19 avril 2019 relatif à la délivrance des diplômes nationaux en cas d’étalement du versement du montant des droits d’inscription

Ce décret est très court :

L’acquittement de la totalité du montant des droits d’inscription conditionne la délivrance du diplôme et de tout ou partie des crédits européens validés en vue de son obtention.

En cas de paiements des frais en plusieurs fois, l’étudiant·e pourra donc suivre les cours mais pas recevoir son diplôme tant qu’il restera des frais à payer. Une invitation à prendre un prêt bancaire ?