Tribune publiée sur lemonde.fr le 5 mars 2019 par David Flacher et Hugo Harari-Kermadec, membres du collectif de recherche ACIDES

La ministre Vidal vient d’annoncer, pour rendre acceptable la hausse des frais d’inscription pour les étudiant·es étranger·es, que les frais pour les Francais·es et Européen·nes seront gelés. Mais comment y croire ? Les auteurs font deux propositions de nature à réellement bloquer la hausse des frais d’inscription : 1) que le tarif actuel (170€ en licence, 250€ en master) soit appliqué en annulant les hausses autorisées dans les grandes école et autres dérogations ; 2) que le droit à « l’enseignement public gratuit et laïque à tous les degrés » affirmé par le préambule de la constitution soit concrétisé dans les articles suivants, et donc juridiquement opposable.

La Ministre de l’enseignement supérieur est-elle sincère en affirmant dans le Journal du Dimanche du 24 février qu’elle va garantir, par décret, la stabilité des droits d’inscription à l’université pour les Français·es et les Européen·nes ? La réponse à cette question est d’autant plus cruciale que notre modèle social est en jeu, et avec lui les perspectives d’accès aux études des générations qui entreront dans les toutes prochaines années dans l’enseignement supérieur.

La mission de concertation mise en place par la Ministre sur la réforme en cours a rendu son rapport il y a quelques jours. On y lit que « La hausse différenciée des droits a très majoritairement suscité de vives oppositions » au sein du monde académique. Nous faisons partie des auditionné·es, en tant qu’experts du domaine, et avons noté avec satisfaction que la mission développait, dans son rapport, l’ensemble des arguments qui devraient amener le gouvernement à renoncer à la hausse des frais d’inscription. Le gouvernement compte maintenir l’essentiel de sa réforme, tout en soutenant qu’elle ne constitue pas la prémisse d’une généralisation des frais d’inscription à tous les étudiant·es […]

Tout d’abord, il semble crucial que la Ministre décrète que le montant de 170-250 euros actuels soit appliqué à tous les établissements d’enseignement supérieur publics, pas seulement aux universités. Les frais d’inscription ont fortement augmenté ces dernières années dans de nombreuses écoles d’ingénieur publiques, par palier successifs : un·e étudiant·e (français·e ou étranger·e) qui payait il y a quelques années autour de 500 euros à l’école Centrale ou au Mines de Paris paye désormais 3 500 euros (s’il ou elle est français·e ou européen·ne) et 5 500 euros (s’il ou elle est non européen·ne). A Polytechnique, le tout nouveau Bachelor (équivalent d’une licence) coûtera 12 500 euros à un·e Français·e et 15 500 euros à un·e « non-Européen·ne » ! A l’évidence, Français·es et Européen·nes ne sont pas épargné·es ! On peut être inquiet·e pour les étudiant·es à l’université. Dans les écoles d’ingénieur publiques, tout a été très vite. Cette expérience et les MacronLeaks font craindre la même chose pour l’université : une généralisation des frais d’inscription à toute la population et la hausse progressive de ces frais à des niveaux très élevés à brève échéance. Souvenons-nous qu’en Angleterre, c’est sous Tony Blair que les frais d’inscription sont passés de 0 à 1000 £ en 1998. Ils passeront ensuite de 1 000 à 3 000 £ en 2004 et de 3 000 à 9 000 £ en 2010. Si la dynamique s’enclenche en France, les lycéen·nes d’aujourd’hui seront très vraisemblablement touché·es de plein fouet par un scenario similaire lorsqu’elles et ils arriveront à l’université.

Ensuite, la Ministre peut envoyer un deuxième signal en se proposant de défendre l’introduction de la gratuité des études supérieures – a minima pour les étudiant·es français·es et européen·nes – au cœur du seul texte difficilement modifiable par la suite : la constitution. S’il est aujourd’hui inscrit dans son préambule que «  L’organisation de l’enseignement public gratuit et laïque à tous les degrés est un devoir de l’État », il est manifeste que cette seule inscription en « préambule » est insuffisante […] En attendant, il est impératif de ne pas toucher aux droits d’inscription actuels et de n’introduire aucune forme de discrimination.

Les lycéen·nes et étudiant·es doivent réaliser que le modèle en gestation avec la réforme du gouvernement hypothéquera leur perspectives après avoir assombri l’avenir des étranger·es non communautaires. Des manifestations sont organisées partout en France le 12 mars pour une université ouverte. La mobilisation sera déterminante.

David Flacher et Hugo Harari-Kermadec et les autres membres du collectif de recherche acides sont auteurs·trices de l’ouvrage « arrêtons les frais » aux éditions Raisons d’agir.

3 commentaires sur « [Le Monde] « Démontrez-nous, Frédérique Vidal, que vous ne généraliserez pas les frais d’inscription à l’université ! » »

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