Témoignage d’une ancienne étudiante anglaise, Publié le 24 février 2019 par Eva
« Je m’inquiète que ce décret soit le début vers l’augmentation des frais pour l’ensemble des étudiants du territoire national et que l’histoire du Royaume-Uni se répète en France. Que s’est-il passé dans « mon pays », le Royaume-Uni ? On a mis plusieurs années à le comprendre.
Tony Blair, du parti travailliste, a augmenté les frais universitaires très progressivement à 1000 puis à 3000 puis à 9000 multipliés par le nombre d’années d’université grosso modo de 2000 à 2009. Cela oblige les étudiants à s’endetter et donc à devoir accepter des conditions de travail précaires qui ne les mettent pas en position de négocier de bons contrats alors qu’ils ont investi dans leurs études, cela en plus de tous les problèmes de légitimité pédagogique que pose la marchandisation de l’éducation. Nous avons pensé à ce moment là, que, oui 1000 livres ce n’était pas énorme. 3000 non plus : après tout, on pouvait les trouver. Puis 9000 voire plus (variable selon les universités). À la fin on se retrouve avec au moins 45 000 livres à payer sans compter le coût de la vie par an.
Nous pensions que l’État n’avait plus d’argent et qu’il avait trouvé une manière intelligente de responsabiliser les étudiants qui ne payaient pas encore d’impôts, cela afin de tester leur motivation réelle. Les étudiants étaient motivés, puisqu’ils empruntaient auprès de lui (c’est l’État qui prête aux étudiants au Royaume-Uni) : c’était une manière de redonner de la valeur aux diplômes dans une société où tout est consommé. Si on ne paye pas quelque chose, alors cette chose n’a pas de valeur. Si quelque chose est gratuit, cela n’a pas de valeur puisque c’est gratuit ; le service public n’a rien de gratuit, il est financé par nos impôts, mais certains étudiants qui ne sont pas encore des contribuables peuvent le croire, on doit les aider à mieux réfléchir en les accablant de frais universitaires.
Le Royaume-Uni avait pensé à tout : pour les étudiants internationaux issus de pays du Sud, on avait une poignée de bourses pour les plus méritants – c’est-à-dire, comme l’a montré Bourdieu, les enfants des classes sociales supérieures, bref on financerait les élites. L’État ne pouvait plus payer les universités, ni non plus les écoles, ni les hôpitaux. La preuve : des gens sont morts en attendant le rendez-vous avec le spécialiste, tant la liste d’attente était longue. Pourtant ces morts avaient payé leurs impôts. On était dans une situation terrible, nous devions aider l’État à s’en sortir. Il était normal que les impôts ne baissent pas : l’État était ruiné, nous devions tous nous montrer compréhensifs et réunir nos efforts pour sauver nos finances publiques. C’était le parti travailliste, pas Madame Margaret Thatcher, donc c’était vrai. La logique était implacable et on devait y adhérer. »
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Nous, les contribuables en France (à travers les impôts où à travers la TVA, si on est touriste ou étudiant international) sommes toutes et tous concerné.e.s par ce gravissime problème de fond qui est celui de la corruption des élus, du désengagement de l’État et de la marchandisation de l’éducation. La démocratie doit être défendue au quotidien. Nous avoir le devoir d’empêcher que ce décret soit signé le 12 mars prochain afin qu’il ne soit pas la porte ouverte à la fin de l’État de droit et de l’État social que nous avons mis des siècles à construire. Nous avons le devoir d’exiger du Gouvernement le retrait « Bienvenue en France ».
Rassemblement national le 12 [edit 11] mars, a 9h30, devant le ministèrede l’enseignement supérieur, de la recherche et de l’innovation (MESRI), à l’occasion du débat sur ce sujet au Conseil national de l’enseignement supérieur et de la recherche (CNESER) pour obtenir satisfaction.1, rue Descartes 75005 Paris à côté du Panthéon, à l’ancienne école Polytechnique