Nous reproduisons ici un texte émanant d’un collectif d’enseignant·es, d’élèves, de parents d’élèves, d’étudiant·es, etc. qui a organisé une rencontre nationale le samedi 2 octobre à l’Université de Paris.

Appel issu de la rencontre nationale du 2 octobre 2021
Macron et Blanquer accélèrent l’éclatement
du cadre national de l’école publique !
Regroupons-nous pour bloquer cette politique
et reconquérir le droit à l’instruction la même pour tou·tes !

Enseignant·es dans les écoles, les collèges, les lycées, les universités, étudiant·es, parents d’élèves, syndicalistes ou militant·es ouvrier·es de différentes tendances, nous nous sommes réuni·es ce samedi 2 octobre autour de l’appel « Contre Macron et Blanquer, reconquérir le bac et son caractère national, reconquérir le droit à l’instruction » lancé au mois d’août.
La discussion a confirmé les craintes formulées dans cet appel : un mois après la rentrée de septembre, nous assistons à une amplification de l’offensive du gouvernement contre l’école publique.
Ainsi, la suppression du baccalauréat national, louée par le PDG d’EDF qui la considère comme une « bonne nouvelle » permettant de « rapprocher la formation des besoins de l’entreprise » a ouvert la voie à une véritable offensive de dénationalisation de l’Éducation nationale :

  • projet Macron d’ « École du futur » expérimentant dans cinquante écoles de quartiers défavorisés de Marseille un statut dérogatoire sur la base de projets pédagogiques locaux avec recrutement des personnels par le directeur d’école, sous l’autorité directe de la municipalité
  • multiplication des cités éducatives sortant écoles et collège du cadre national pour les placer sous l’autorité des collectivités territoriales
  • mise en œuvre du contrôle continu pour le baccalauréat, accentuant les inégalités entre les lycées
  • adoption par l’Assemblée nationale de la loi Rilhac qui transforme l’école publique en une myriade d’établissements autorisés à déroger au cadre national de l’Éducation nationale.

L’appel analysait le fait que « le cadre national détruit, sa qualité de premier grade universitaire supprimée, l’État s’est libéré de son obligation d’affecter les moyens pour garantir à chaque élève, à chaque classe d’âge, l’égalité de tous les enfants devant l’instruction » . Que constatons-nous en cette rentrée ? De nombreux·ses lauréat·es du bac interdit·es de poursuivre des études universitaires dans la filière de leur choix. Dans tel lycée de banlieue populaire parisienne, on apprend que 32% des bachelier·es de filière technique n’avaient toujours aucune proposition le 1er septembre. Dans tel autre, iels sont 68 bachelier·es à n’avoir aucune perspective. Combien y en a-t-il au niveau national ? Sans doute des milliers !
Dans les universités, les étudiant·es – même certain·es ayant eu de très bons résultats – sont viré·es, interdit·es de poursuivre leurs études en master, sélection oblige… Et quand iels peuvent s’inscrire, quand iels peuvent rassembler l’argent nécessaire pour se nourrir malgré la fermeture des restau-U à 1 euro, iels se retrouvent entassé·es dans des amphis trop petits, obligé·es de suivre les cours debout ou en visio.
Dans les écoles, collèges, lycées, les jeunes – quand iels ne sont pas purement et simplement privé·es de cours faute de remplaçant·es – sont entassé·es dans des classes en sureffectifs, pendant que, par exemple, le rectorat de Créteil licencie des centaines de professeur·es de français ou de mathématiques au prétexte qu’iels sont trop nombreux.
Les enfants en situation de handicap sont les premières victimes de cet abandon : l’État, qui a déjà supprimé nombre d’établissements spécialisés correspondant à leur handicap jugés trop coûteux, a encore aggravé en cette rentrée les conditions de travail des Accompagnant·es d’élèves en situation de handicap (AESH) avec la mise place des Pôles inclusifs d’accueil localisés (PIAL), entraînant le découragement de beaucoup d’entre elles et eux.
Et qu’on ne nous dise pas qu’il n’y a pas d’argent ! Il suffirait de récupérer une partie des 560 milliards d’euros offerts par le gouvernement aux patrons pour mettre en place un plan d’urgence et recruter les milliers de personnels nécessaires.
La discussion a aussi montré que ce gouvernement qui multiplie les mesures destructrices contre l’école est bien minoritaire. Dès que les conditions sont réunies, dès que l’unité se réalise sur les revendications, les salarié·es montrent leur volonté de bloquer cette politique. On le constate dans tous les secteurs professionnels, comme en témoignent les grèves dures des éboueur·ses de Marseille ou des salarié·es des chauffeur·ses de Transdev en Seine-et Marne. On le constate concernant la défense de l’école publique : ainsi, la détermination des enseignant·es de Villejuif, uni·es avec leurs organisations syndicales, a imposé au maire de renoncer à son projet de cité éducative. Ainsi la colère gronde dans les écoles de Marseille, et s’appuie sur la prise de position des syndicats du 1er degré exigeant l’abandon de l’expérimentation dans les écoles marseillaises. De leur côté, les étudiant·es s’organisent et se mobilisent autour de revendications bien définies : ils réclament le droit d’étudier et de préparer leurs diplômes dans des conditions normales, ce qui implique la fin de leur précarisation croissante.
Nous sortons de cette rencontre renforcé·es dans notre conviction de combattre. Nous n’accepterons pas, nous n’accepterons jamais que Macron, Blanquer où tou·tes celleux qui voudraient se mettre à leur suite poursuivent leur offensive d’émiettement, de pulvérisation de l’école publique.
Nous en appelons à tou·tes les militant·es, enseignant·es, parents d’élèves, jeunes : ensemble, regroupons-nous pour défendre et reconquérir le droit à l’instruction, pour défendre les programmes et les horaires nationaux et les enseignements disciplinaires, pour reconquérir le bac et son caractère national, pour que les fonds publics aillent exclusivement à l’école publique, pour que soient respectés les droits de toute la jeunesse à obtenir un diplôme et une qualification reconnue.

Voici le texte de l’appel qui a permis l’organisation de cette rencontre le 2 octobre 2021.

Le PDG d’EDF, Jean-Bernard Lévy, a déclaré aux rencontres économiques d’Aix-en-Provence (Bouches-du-Rhône) en juillet 2021 : « il paraît que le bac est en train de disparaître, c’est une très bonne nouvelle. Il faudrait vraiment que l’État ne soit plus le prescripteur de la formation et qu’elle soit entièrement confiée aux régions (…) pour la rapprocher des besoins de l’entreprise. » Faut-il s’en étonner ?

Le bac a toujours été la clef de voûte de l’éducation nationale. Référence en matière de diplômes, premier grade universitaire garantissant l’inscription à l’université, depuis sa création par décret le 17 mars 1808, le bac a constitué dans l’enseignement secondaire un repère, un objectif sur lequel tout l’édifice de l’instruction était construit. Chaque gouvernement était, de fait, contraint de dégager les moyens pour assurer à chaque enfant une scolarité complète avec un·e enseignant·e chaque jour, à chaque heure de classe, remplacé·e en cas d’absence, des programmes nationaux développés dans des progressions annuelles, formant un tout cohérent organisé autour de l’objectif de préparer les conditions d’obtention du bac.

Les contre-réformes s’attaquant à l’école ont été nombreuses ces dernières décennies, mais avec les réformes conjointes de la sélection à l’entrée à l’université et de la réforme du bac détruisant cette clé de voûte, un pas qualitatif majeur est franchi : c’est tout l’édifice de l’école publique qui s’effondre sous les coups du gouvernement qui utilise largement le covid 19 comme accélérateur. Le bac à la mode Blanquer n’a de bac que le nom et n’a plus rien à voir avec ce qui existait encore il y a deux ans.

Cette destruction a des effets immédiats à tous les niveaux de l’école publique. Les effets délétères de l’introduction du contrôle continu au bac – que Blanquer a décidé de renforcer – modifient en profondeur les relations entre enseignant·es et élèves fondées jusqu’alors principalement sur la transmission des connaissances inscrites dans les programmes nationaux. Même en primaire, selon les enseignant·es, les différences entre les notions enseignées se sont considérablement accentuées du fait du chaos orchestré par le ministère. Les élèves arrivent en sixième sans avoir vu la totalité du programme et sans avoir tous abordé les mêmes notions

Le cadre national du bac détruit, sa qualité de premier grade universitaire supprimée, l’État s’est libéré de son obligation d’affecter les moyens pour garantir à chaque élève, à chaque classe d’âge, l’égalité de tous les enfants devant l’instruction. Ainsi, les remplaçant·es font partout défaut : en Seine-Saint-Denis par exemple, des enseignant·es absent·es sont remplacé·es par des animateur·trices qui n’ont pas et ne peuvent avoir une mission d’instruction. Dans le Val-de- Marne et ailleurs, le ministre n’hésite pas à laisser jusqu’à 9 classes sans maître dans une seule école. Dans les écoles maternelles, sur impulsion du ministère, des parents sont sollicités pour remplacer des ATSEM. L’an prochain, des AESH pourraient être chargées de fonctions pédagogiques… Le maître mot du gouvernement est de placer devant chaque classe un·e adulte, enseignant·e ou non… Pire encore : dans son Grenelle, Blanquer prétend généraliser ce qu’il appelle « la continuité pédagogique », c’est-à-dire le non-remplacement des professeurs absents et l’utilisation des cours en « distanciel ».

Les classes sont surchargées et les fermetures de classe s’accélèrent, conséquences de choix budgétaires du gouvernement. Les enfants handicapé·es sont abandonné·es faute d’établissements spécialisés correspondant à leur handicap, faute d’AESH en nombre suffisant, celles-ci étant elles-mêmes victimes d’une précarité inacceptable accentuée par la mise en place des Pôles inclusifs d’accompagnement localisés (PIAL).

En instaurant la sélection à l’entrée à l’université, en instaurant les « capacités d’accueil », l’État s’est également affranchi de son obligation d’allouer aux universités le budget nécessaire pour permettre l’inscription de tou·tes les bachelier·es dans la filière et l’université de leur choix.

Dans la dernière période, le gouvernement a mis en avant la crise sanitaire : mais ne pouvait-il rien faire pour préserver la jeunesse du naufrage scolaire ? Ne pouvait-il pas recruter le nombre nécessaire d’enseignant·es, réquisitionner les locaux pour assurer à tous les enfants l’enseignement auquel elles et ils ont droit ? Ce gouvernement, comme ceux qui ont défilé depuis des décennies, est en train de détruire le système scolaire à tous les étages. Il est temps d’en finir avec lui.

Cette avalanche de mesures destructrices de l’école ne procède pas du hasard, elle est le fait de choix politiques gouvernementaux tournant délibérément le dos aux besoins de la jeune génération pour satisfaire les exigences patronales.

Une fois le cadre national du bac détruit, une fois donc supprimée l’obligation pour l’État de garantir à toute la jeunesse un droit égal à l’instruction, les portes d’une soumission sans limite de la formation aux exigences patronales se trouvent désormais ouvertes. En premier lieu la fin du caractère national des diplômes, socles des conventions collectives et du code du travail établissant des droits égaux pour tous les salariés, en particulier en matière de grilles salariales. Dans ce domaine comme dans bien d’autres, il s’agit pour le gouvernement de créer les conditions d’une baisse généralisée du coût du travail.

Le gouvernement Macron, minoritaire avec 3% des électeur·trices inscrit·es aux dernières élections régionales, qui s’en prend à nos retraites, à l’assurance chômage, refuse d’entendre les besoins essentiels de l’immense majorité de la population et d’y répondre positivement.

Au lieu d’allouer les moyens nécessaires à l’adoption des mesures urgentes pour l’école publique et pour protéger la jeunesse, il préfère distribuer 560 milliards aux patrons qui s’empressent de licencier par dizaine de milliers les parents de nos élèves.

La question est posée de la nécessaire confiscation de ces milliards pour répondre aux besoins pressants de la jeune génération, pour assurer la scolarité des élèves et la prise en charge adaptée des enfants handicapé·es, et pour satisfaire les revendications urgentes :

  • abroger les réformes du bac et du lycée, ainsi que la loi ORE qui instaure Parcoursup et la sélection à l’université
  • rétablir le bac comme 1er grade universitaire, comme diplôme national avec des épreuves nationales, anonymes, terminales, ponctuelles, identiques pour tous, ouvrant droit à tou·tes les bachelier·es à la filière universitaire de leur choix
  • répondre aux revendications en termes de remplacements, de créations de classes, de constructions d’établissements scolaires, de création de véritables structures spécialisées pour les enfants en situation de handicap…
  • recruter immédiatement tous les personnels nécessaires, en finir avec la précarité qui s’accroît (AESH, AED, enseignant·es…) et former des enseignant·es spécialisé·es à hauteur des besoins.

Et pour cela rétablir des normes nationales qui passent par des programmes nationaux à tous les niveaux, de la maternelle à la terminale, pour que soient respectés les droits de toute la jeunesse à obtenir une qualification et un diplôme reconnus.

La question est posée d’un gouvernement de la majorité au service de la population laborieuse, de leur famille, de leurs enfants.

Rencontre nationale le samedi 2 octobre à 14h30 à l’Université de Paris
Amphi 2A à la Halle aux Farines, 75013 PARIS

Les signatures et les inscriptions pour la rencontre sont à envoyer à : non.au.naufrage.scolaire@gmail.com

Illustration : détail d’une photographie prise le 1er février 2018.

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