À la fois guide de survie pour les jeunes chercheur·ses et manuel d’agitation politique, le Manuel d’autodéfense universitaire revient dans une version augmentée, toujours aussi ouverte, incisive et drôle. Comment prendre soin les un·es des autres et de soi-même, quand il faut mener ses recherches, enseigner et payer les factures, tout en se débattant avec les dominations qui structurent nos institutions ? Voici des pistes de réponses – en 11 chapitres et 3 interludes. L’équipe du Manuel attend des retours !

Une première version de ce manuel a été publiée début janvier 2021, elle a suscité des rencontres, des discussions et des débats. Cette version 2 est entièrement remaniée, augmentée, améliorée (?) et se veut plus que jamais un outil pour aider celles et ceux qui s’en emparent à créer du collectif là où ils ou elles sont !
Cette nouvelle version n’est certainement pas une version définitive. Le manuel est à tou·tes : chacun·e est invité·e à l’arpenter, le triturer, le discuter, le modifier. Continuer à l’écrire ensemble est d’autant plus important que si les personnes qui ont « appuyé sur les touches du clavier » sont diverses (par leurs disciplines, trajectoires académiques, établissements, etc.), elles sont majoritairement blanches, de nationalité française, nées un peu avant ou après 1990, valides, cisgenres, issues de milieux CSP+, elles ont d’autres activités collectives ou militantes par ailleurs. Ensemble, nous pouvons enrichir ce manuel d’autres expériences de l’université, de ses violences, mais aussi des solidarités et des luttes qui nous font tenir.

Nous publions ici de brefs extraits qui présentent le manuel, dont deux versions sont téléchargeables au bas de la page : une version intégrale et une version abrégée, à imprimer et laisser trainer partout où des discussions peuvent s’en emparer ! Rédigé collectivement, le manuel se pratique aussi collectivement : il s’arpente, il se joue, il se discute et fait ainsi office de support d’ateliers, qui nourriront les réflexions et favoriseront la création de collectifs.

Une posture d’autodéfense

Dans le paysage de textes à propos du doctorat, il y a profusion. On pourrait dessiner à grands traits une typologie avec des objectifs bien différents : prescrire ce que devrait être un doctorat, donner des conseils de réussite pour faire une bonne thèse et faire carrière, décrire et dénoncer les conditions de travail des jeunes chercheur⋅ses.
Ce manuel propose des pistes pragmatiques, des trucs et astuces pour me dépatouiller dans l’université telle qu’elle est, pour ne pas trop subir mon doctorat, pour m’en sortir indemne, avec ou sans « réussite académique »
Spoiler : il faut pour cela jouer collectif, c’est le plus important. L’isolement est un des pires poisons qui sévit à l’université et il faut s’organiser contre. Notre postulat est de ne pas hiérarchiser entre des objectifs de survie individuelle et d’agitation politique : prendre soin les un⋅es des autres, de soi-même et venir remuer la manière dont se passent les choses dans mon laboratoire ou mon université.
Cette clef centrale se décline en quelques thématiques :

  • Situer le statut que je donne à mon doctorat.
    Est-ce que je considère le doctorat comme un travail (avec ou sans rémunération)? comme un parcours d’étude? ou comme une source potentielle de financement pour ma recherche ou d’autres activités? La place et le statut que j’accorde, ou que mon entourage accorde, à ma thèse a des conséquences. Apprendre à utiliser à mon profit les différentes facettes permet de me défendre pendant cette expérience, avec des interlocuteur⋅ices et des ressources différentes.
  • Identifier les intérêts structurellement divergents.
    Les enjeux au sein de l’université ne sont pas les mêmes selon que je sois titulaire ou précaire, étudiant⋅e ou enseignant⋅e, personnel administratif ou personnel enseignant… Ce n’est pas que les titulaires seraient « méchant⋅es », c’est juste qu’ils ont des intérêts différents des miens. Savoir me situer dans la hiérarchie permet d’identifier mes allié⋅es et les ressources à ma disposition, mais aussi les dominations que je peux faire subir.
  • Repérer une palette de stratégies qui marchent/ne marchent pas.
    Dans les palettes possibles de tactiques à ma disposition, certaines fonctionnent, d’autres non. C’est important que j’aie en tête les avantages, les inconvénients et les limites de différents outils et tactiques. Je peux ensuite en choisir une ou plusieurs, selon mes possibilités, le contexte dans lequel je suis plongé⋅e et l’objectif fixé.
  • Ne pas m’arrêter aux frontières des disciplines.
    Oui, l’expérience du doctorat peut changer beaucoup d’une discipline à l’autre. Mais dans les difficultés qui sont rencontrées au quotidien, ce sont finalement en grande partie les mêmes problèmes qui reviennent. Tisser du lien entre entre physicien⋅nes et socio-anthropologues, informaticien⋅nes et juristes, philosophes et écologues, ça en vaut la peine. D’abord parce qu’il n’y a pas toujours dans mon labo suffisamment de doctorant⋅es motivé⋅es et disponibles pour faire vivre des collectifs. Autant ratisser large. Ensuite parce que comparer les situations de chacun⋅e me permet de mieux comprendre ce qui se joue et de m’armer pour me défendre.
  • Refuser quand il le faut.
    Structurellement, il n’y a pas assez de personnels pour toutes les tâches (administratives, d’enseignement, de recherche, d’encadrement, d’organisation,…) à faire dans les universités. Il y a donc une forte pression, et plus particulièrement sur les jeunes recrues comme moi, à prendre en charge un grand nombre de tâches, au détriment de mes activités principales (comme l’écriture de ma thèse). Il est donc important d’apprendre à refuser pour pouvoir le faire quand c’est nécessaire.

Le manuel en quelques mots

  • À l’usage des (futur·es) doctorant·es Ce manuel est destiné aux débutant·es et travailleur·ses précaires de la recherche et de l’enseignement supérieur : doctorant·es, vacataires, contractuel·les… Et aussi aux masterant·es (ou autres) qui se posent la question de faire une thèse.
  • Critique L’approche repose sur une analyse des fonctionnements universitaires en termes de rapports en pouvoir entre personnes et entre groupes. Ce manuel ne vise pas à taper sur des personnes précises, qui individuellement sont le plus souvent de bonne volonté, mais à faire émerger des logiques et des paroles. Toutes les formes de domination (racisme, validisme, classisme…) ne sont pas abordées et il y a des manques.
  • De la création de problèmes Ironiquement ! On nous a souvent (explicitement ou implicitement) reproché de « créer des problèmes » quand on tentait de mettre le doigt ou des mots sur des situations inacceptables.
  • Doctorale (mais pas seulement) On part de nos vécus autour de la thèse de doctorat, mais on pense que certains morceaux de nos outils peuvent être utiles à d’autres : titulaires, usager·es sans statut des bibliothèques, étudiant·es, personnel administratif ou techniques, travailleur·ses sous-traitant·es… Ou en tout cas, on aimerait ne pas les oublier.
  • (Futur·es) Vu les événements politiques qui ont lieu en parallèle à notre travail (réforme LPR et nouveaux types de contrats, états d’urgences, menaces sur les libertés académiques…) notre manuel sera peut-être obsolète rapidement. À quelle vitesse allons-nous devenir des fossiles d’espèces disparues dans le futur paysage universitaire managé ?
  • Manuel Parce que ceci n’est pas du tout une étude qui commencerait par un état de l’art préalable et aboutirait à une analyse systémique globale du fonctionnement universitaire pour informer les masses ou conseiller les gouvernant⋅es. En revanche, on propose plein d’outils (parfois rigolos) pour mettre la main à la pâte et fabriquer des ateliers.
  • Pour toutes les disciplines Nous parlons du doctorat dans un large éventail de domaines : de la littérature antique aux maths fondamentales, en passant par l’ingénierie, les arts de la scène et la géographie. On sait qu’il y a des disciplines où ce qu’on dit ne s’applique pas du tout (médecine, pharmacie…) et d’autres où on ne sait pas (marketing, architecture…)
  • Précaires de l’ESR En réponse à un contexte de précarisation des financements comme des conditions d’emploi et de travail, avec la multiplication des contrats courts pour les BIATSS, les ITA et les enseignant⋅es-chercheur⋅ses, des collectifs s’organisent et luttent : dans l’enseignement supérieur et la recherche, « précaire » est devenu une catégorie politique.
  • Recueil À partir d’histoires vécues et d’expériences partagées, on agrège des morceaux de témoignages et d’avis personnels ou discutés en petits comités. Les histoires ont été largement modifiées, et ces modifications approuvées par les personnes concernées.
  • Université Au sens large, en incluant les écoles d’ingénieurs, les beaux-arts, les labos du CEA et du CNRS, ce qui touche de près ou de loin au « supérieur », « deuxième ou troisième cycle », « Bac + quelque chose »…

Le manuel est diffusé sous licence CC BY-NC-SA 4.0 : attribution, pas d’utilisation commerciale, partage dans les mêmes conditions.
Pour contacter l’équipe du manuel, vous pouvez écrire à manuel_univ@sans-nuage.fr.

Lorsque vous organisez des ateliers, n’hésitez pas à contacter Université Ouverte (universiteouverte@protonmail.com ou sur les réseaux sociaux) pour que nous puissions relayer les informations. Ensuite, nous vous invitons à partager vos expériences : cela nous permettra notamment de rédiger un article consacré à ces ateliers.