Voilà.
Alors que nous nous reconfinons et que les universités ferment, le Sénat a adopté, ce 30 octobre, la loi de programmation de la recherche (LPPR), par 249 voix contre 92. Ce soir, nous pouvons presque considérer que le processus législatif est terminé : la loi passera en commission mixte paritaire le 9 novembre et, comme le Sénat a voté conformément aux attentes de Frédérique Vidal, les sénateur·trices et député·es devraient se mettre d’accord sans trop de difficulté.
C’est donc comme si la loi était adoptée ?
Non, la semaine qui vient demeure déterminante : nous pouvons encore lutter contre cette loi !
Et quelle loi infâme nous avons à combattre !
C’est une redoutable loi de destruction du service public de l’enseignement supérieur et de la recherche. Nous le savions, elle promet depuis le départ d’accroître les inégalités dans l’enseignement supérieur, d’aggraver la précarité, de renforcer les inégalités de genre et les autres dominations structurelles. A l’Assemblée nationale, on a découvert les encouragements à transformer en profits privés les fruits de la recherche publique menée par ses collègues (article 13) et la légalisation de l’emploi des chercheur·ses étrangèr·es accueilli·es dans le cadre d’un séjour de recherche sans respecter aucune des règles du droits du travail, en faisant donc officiellement des travailleur·ses de seconde classe.
Nous redoutions donc le passage au Sénat, mais nous étions très loin d’imaginer l’ampleur et la violence des attaques portées contre l’université et la recherche publiques.
En début de semaine, nous partagions les analyses du sénateur Pierre Ouzoulias, qui se préparait à ferrailler contre la LPPR. Personne n’imaginait ce qui allait se passer : les pires amendements ont été déposés à la toute dernière minute.
La LPPR est devenue une machine de guerre contre les libertés académiques et les statuts des chercheur·ses et enseignant·es-chercheur·ses qui, seuls, peuvent garantir l’existence d’un service public de l’université et de la recherche qui produise et diffuse des connaissances pour nous tou·tes, en toute indépendance.
Deux amendements attaquent spécifiquement et ouvertement les libertés académiques : ils entendent soumettre le travail de l’université et de la recherche publiques aux « valeurs de la République » et punir de prison les « intrusions » qui viendraient troubler les raouts universitaires (voir le fil de Samuel Hayat à ce sujet).
Bien évidemment, comme nous l’expliquons depuis un an, les libertés académiques sont aussi gravement mises en danger quand la recherche est financée sur projet et que l’évaluation par le Hcéres est aux mains d’un pouvoir qui entend bien orienter le travail des chercheur·ses.
Avec les discours de Jean-Michel Blanquer sur la « gangrène » de « l’islamo-gauchisme » à la fac et les propos d’Emmanuel Macron accusant les universitaires de « casser la République en deux », qui peut croire que les études critiques en sciences humaines et sociales seront financées ?
Voilà donc une loi qui met l’existence même de notre service public en péril et détruit les conditions dont nous avons besoin pour produire de la science.
Que faire ?
D’abord, diffuser le plus largement possible l’appel solennel pour la protection des libertés académiques et du droit d’étudier. Ensuite, travailler pour que l’ensemble de nos collectifs le signent, le diffusent et s’organisent pour qu’il soit suivi d’effets.

Notre pétition pour la suspension de la LPPR, dont l’examen parlementaire se fait sur des données biaisées si ce n’est fallacieuses, a été signée par près de 24 000 personnes.
Notre recherche et notre société exigent beaucoup mieux ! Collectons encore beaucoup de signatures !

Une autre pétition, pour défendre le Conseil National des Universités (CNU), gage de l’existence d’un statut national d’enseignant·es-chercheur·ses, indispensable à la garantie d’un service public d’ESR d’égale qualité sur l’ensemble du territoire.

Aujourd’hui, nous sommes confiné·es.
Nous pouvons écrire, signer, faire connaître les raisons de notre colère, dans le monde de l’université et de la recherche et au-delà.
Demain, il nous faudra reprendre la lutte, avec une rage et une puissance renouvelées.
Notre colère explosera.
Arrêtez de détruire la recherche publique. La dépendance aux autres nations n’en sera qu’aggravée.
Doctorante faisant partie dune génération sans poste et ayant du me reconvertir après 8 ans d’études, je sais de quoi je parle.
C’est extrêmement malheureux et désastreux pour notre pays de ne pas soutenir SES chercheurs.
Anne-Marie Henry.
J’aimeJ’aime
Pourquoi ne pas envisager, tout confiné·e·s que nous sommes une grève générale des enseignements, des examens ? Ce qui se passe est terrible : réagir est une question de dignité.
J’aimeJ’aime
Bonjour, en effet il me semble désormais indispensable de procéder autrement pour nous faire entendre puisque les motions, pétitions etc. quotidiennes depuis des mois sont restées totalement sans effet. Je suis engagée depuis des mois dans des discussions avec des collègues, des parlementaires…et suis sans voix en me rendant compte que cela n’a servi à rien. Que faire maintenant ? Rétention de notes, grève ? Mobiliser les étudiants en temps de Covid n’est pas possible même s’il faut je crois leur expliquer la destruction de leur université. Comptez-vous essayer de sonder les enseignants-chercheurs et coordonner leurs actions ? Si c’est le cas, cela m’intéresse. Il faut je crois faire sentir la mobilisation voire même sensibiliser l’opinion publique si nous voulons peser sur un éventuel recours devant le Conseil constitutionnel.
J’aimeJ’aime