Nous nous permettons d’apporter notre contribution au débat sur le faible nombre de postes de MCF pour la session synchronisée 2018-2019 et à ce qui, nous l’espérons, sera un début de mobilisation pour enfin progresser sur ces enjeux. S’il est important de s’attaquer à la multiplication des contrats LRU, l’explosion du recours à la vacation constitue la principale contrepartie de la diminution des postes au concours. Titulaires et non titulaires sont collectivement concerné·e·s par ce phénomène, qui appelle à des réponses collectives. Voici les chiffres dont nous disposons au niveau national, pour toutes les disciplines, et pour la science politique, ce qui devrait donner une indication sur la situation en sociologie au niveau agrégé.
Avant toute chose, concernant la précarité des jeunes chercheur·e·s, nous souhaitons rappeler que parmi les doctorant·e·s en LSHS, 2/3 d’entre nous travaillons pour notre recherche soit gratuitement, soit au noir (« bourses » ne donnant pas accès aux droits sociaux et aux éléments de salaire différé) – ce taux étant de 40% toutes disciplines confondues. Pour celles et ceux bénéficiant d’un contrat doctoral, leur salaire hors missions complémentaires est de 1,15 SMIC. Pourtant, le ministère reconnaît que tout·e·s les doctorant·e·s devraient être sous contrat doctoral, et que le montant de celui-ci devrait être de 1,5 SMIC. L’écart existant avec cette dernière situation qui devrait donc être la norme représente 1Md€ par an. Les doctorant·e·s subventionnent donc la recherche publique de ce montant chaque année.
Au niveau de l’enseignement, plus que les contrats LRU, les vacations sont la variable d’ajustement principale, avec les heures complémentaires des enseignant·e·s-chercheur·se·s (EC) titulaires. Ce « statut » de vacataire, pour celles et ceux dont c’est l’activité rémunérée principale, est digne du XIXe siècle (salaire à la pièce, pas de droits sociaux) et maintenant officiellement rémunéré sous le SMIC, sans même prendre en compte les droits sociaux manquants ni la quantité de travail réel, et ce avec des délais de paiement délirants, entre une journée et 1440 jours (!) après la fin du service, avec une médiane à 241 jours (8 mois).
Toutes disciplines, on estime le nombre de vacataires effectuant plus de 96 heures équivalent TD (hETD) à environ 17400. On peut considérer que 96 hETD est un bon seuil pour différencier les vacataires ayant un emploi principal à côté, des vacataires qui sont en fait des jeunes chercheur·e·s qui assurent des missions permanentes d’enseignement. Comme certain·e·s font plus de 96h, on peut dire que cela représente grand minimum 8700 postes d’EC à temps plein. Une estimation légèrement plus poussée, estimant le nombre d’heures effectuées au-delà de 96 hETD, arriverait au chiffre de 13000 postes d’EC manquants, soit 20% du nombre d’EC titulaires actuel. […]
Pour aller au-delà de l’indignation et de l’expertise, nous disposons collectivement de moyens d’action, dont il serait loisible de débattre. Vu l’état catastrophique de la situation et l’historique des mobilisations, nos actions traditionnelles, notamment les « grèves pédagogiques » qui ne perturbent en rien le fonctionnement administratif de l‘université, sont garanties de ne pas être à la hauteur. En local, arrêter de recruter des vacataires serait une idée, non pour faire des heures complémentaires à la place, mais pour assumer de refuser de placer des collègues dans des conditions inacceptables. Également, protester en bloquant la machine administrative est possible, à peu de frais. La rétention des notes est un moyen d’y parvenir (comme actuellement en cours à l’université de Poitiers, avec le soutien des titulaires). Au niveau national, il serait également utile que nos collègues titulaires demandent à leurs organisations syndicales et à leurs associations professionnelles d’inscrire la précarité dans leurs priorités d’action, et demandent a minima l’abolition du statut de doctorant·e vacataire (ATV) – pour l’instant, ces organisations sont douloureusement silencieuses ou faiblement mobilisées sur ces questions, malgré quelques déclarations d’intention épisodiques.